Documents sur les Tou-kiue occidentaux.
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I.
Origine de la distinction des Tou-kiue en septentrionaux et occidentaux.
La division des Turcs eu septentrionaux et occidentaux se produisit,
s’il faut en croire les annalistes chinois, vers l’an 582 de notre ère; cette
assertion demande à être expliquée. S’il est exact que la scission définitive
n’ait eu lieu que vers 582, la dualité existait cependant à l’état latent dès
les origines mêmes de la nation turque.
Le premier prince turc qui assura l’indépendance de ses hordes et
qui, par ses victoires, prépara leur grandeur future, fut un certain Tou-
men qui mourut en 552. Son frère cadet, Ghe-tie-mi, n’est autre que
l’ancêtre des chefs des Tou-kiue occidentaux; il suffit en effet de dresser la
généalogie de ces chefs pour voir qu’ils sont tous issus de lui. En outre,
un texte capital du Kieou Tang chou 1 ) nous apprend que Ghe-tie-mi ac
compagna le souverain des Turcs, c’est-à-dire Tou-men, dans ses cam
pagnes en Occident, qu’il était à la tête de dix grands chefs commandant
chacun à un clan, que ses descendants gouvernèrent de génération en géné
ration ces dix clans ou tribus avec le titre de hagatour jabgou. Ainsi, dès
l’époque de Tou-men et de Ghe-tie-mi, les Turcs nous apparaissent
comme formant effectivement deux branches, la branche aînée et la branche
cadette; celle-ci conservait dans la titulature de ses princes le titre de
jabgou qui était immédiatement inférieur à celui du kagau suprême; elle
avait sous ses ordres dix clans. Nous reconnaissons bien là les Turcs occi
dentaux qui sont désignés tantôt sous le nom de «Turcs des dix tribus»,
tantôt sous celui de «Turcs du jabgtni 1 2 3 * * * * )». Tou-men et Ghe-tie-mi sont donc
les premiers chefs des deux sections du peuple turc, et, comme ils sont tous
deux les fondateurs de sa gloire, on comprend pourquoi ils sont évoqués
de compagnie sous les noms de Boumin et Istâmi au début des inscriptions
de Koscho-Tsaïdam 8 ).
Mais, si les Turcs occidentaux et septentrionaux sont distincts dès le
milieu du VI e siècle, il est vrai, d’autre part, de dire que leur séparation
politique ne fut consommée qu’en 582. Les raisons qui provoquèrent la
1) Cf. p. 38, lignes 18—24.
2) Cf. p. 95, n. 3.
3) Thomsen, Inscriptions de VOrkhon, p. 97: «Au-dessus des fils des hommes s’élevè
rent mes ancêtres Boumin kagan et Istâmi kagan». L’identification de Che-tie-mi et Istâmi est
due à Marquart (Historische Glossen eu den alttürTcischen Inschriften, p, 185). — La chute
de l’t initiale est régulière dans les transcriptions chinoises; Che-tie-mi ^ =
Istâmi, de même que Che-ti-hen = Ischtîkhàn, et de même que Sai-lcia-chen
iJjP == Ischkcschm.