Full text: Les essais de Michel, Seigneur de Montaigne

LIVRE PREMIER. 5, 
tout temps j non feulement d’eftendre le foing de nous au delà cette 
celeftesnous 
:s. Dequoyil Soin del'adnenir, 
u’iln’eftbe- d ‘* d ' 
foin queie m’y eftende.Edoüard premier Roy d’Angleterre, ayant 
clfayé aux longues guerres d’entre luy & Robert Roy d’Efcoffe, 
combien fa prefence donnoit d’aduantage à fes affaires, remportant 
toufiours la victoire de ce qu’il entreprenoit en perforine -, mourant, 
obligeafon fils par folcmnel ferment, à ce qu citant efpaffé, il fift 
boiüllir fon corps pour defprendre fa chair d’auec les os, laquelle il 
fit enterrer : &: quant aux os , qu’il les ireferuaft pour les porter auec 
luy &c en fon armée, toutes les fois qu’il luy aduiendroit d’auoir 
guerre contre les Efcoffois ; comme fi ladeftméc auoit fatalement 
attaché la victoire à fes membres. leanZifcha, qui troubla la Bohê 
me pour ladefenfe des erreurs de Wiclef, voulut qu’on l’efcorchaft 
apres fa mort, & de fa peau qu’on fift vn tabourin à porter à la guer 
re contre fes ennemis ;e(limant que celaaideroit à continuer les ad- 
uantages qu’il auoit eus aux guerres par luy conduites contre eux. 
Certains Indiens portoient ainfi au combat contre les Efpagnols, 
les offemens d’vn de leurs Capitaines, en confideration de l’heur 
qu’il auoit eu en viuant. Et d’autres peuples en ce mefme monde, 
traînent à la guerre les corps des yaillans hommes qui font morts en. 
leurs batailles, pour leur feruir de bonne fortune & d’encourage 
ment. Lespremiers exemples ne referuent au tombeau que la répu 
tation acquife par leurs avions paffées : mais ceux-cy y veulent en 
core mefier la puiffance d’agir. Le faidtdu Capitaine Bayard eft de Magnanimité d» 
meilleure compofition,lequel fe fentant blc ffé à mort d’vne harque- Caplt *' 
. buzade dans le corps, confcillé de fe retirer de la niellée, refpondit 
qu’il ne commenceroit point fur fa fin a tourner ledosàl’ennemy ; 
& ayant combatu autant qu’il eut de force, fe fentant défaillir & ef- 
chapper du chenal, commandai fon maiilre d’hoftel, de le coucher 
au pied d’vn arbre : maisquecefuften façon qu’il mourull le vifage 
tourné vers l’ennemy,comme il fit. Il me faut adioufter cét autre ex 
emple, aulfi remarquable pour cette confideration, que nul des pré 
cédais. L’Empereur Maximilian bifayeul du Roy Philippes,qui eft à 
prefent, eftoit Prince t doiié de tout plein de grandes qualitcz, de en 
tre autres d’vne beauté de corps finguliere : mais parmy fes humeurs^ 
il auoit cette-cy bien contraire à celle des Princes,qui pour depefeher 
les plus importans affaires, font leur throfne de leur chaire percée: 
c’eft qu’il n’eut iamais valet de chambre, fi priué, a qui il permiftde 
levoirenfagarderobbe :il fedefroboit pour tomber de l’eau ; aufii Pudeurhonnefie de 
religieux qu’vnepucelle a ne dcfcouurir ny a Médecin ny a qui que l f ^™j‘' reur Maxi ~ 
ce fuft les parties qu’on a accouftumé de tenir cachées. Moy qui ayla 
bouche fi effrontée, luis pourtant par complexion touché de cette 
honte : Si ce n’efta vue grande fuafion de la neceftité , ou de la volu- 
vie, mais encore de croire, qjie bien (outrent les fau eurs 
accompagnent au tombeau, & continuent a nos reliqi 
y a tant d’exemples anciens, laiffmt a part les nofttes,
	        
Waiting...

Note to user

Dear user,

In response to current developments in the web technology used by the Goobi viewer, the software no longer supports your browser.

Please use one of the following browsers to display this page correctly.

Thank you.