Full text: Les essais de Michel, Seigneur de Montaigne

LIVRE SECOND» 5^7 
de s’en attribuer rinueiition, & le propofer. Les Efcrits de Plutar 
que, à les bien fauourer, nous le defcouurent alTez, & ie penfe le con- 
noiftre iniques dans Partie : Il voudrois-ie que nous eufïions quel 
ques mémoires de fa vie : Et me fuis ietté encedifcours à quartier, à 
propos du bon gré que ic fens à Aul. Gellius de nous auoir biffé par 
efcrit ce conte de les mœurs, qui reuient à mon fujet delà colere. Vn Colere reprochée à 
fien efclaue, mauuais homme & vicieux, mais qui auoit les oreilles par^n 
aucunement abreuuécs des leçons de Philofophie, ayant efté pour ^ ien e ft affe ' 
quelque fienne faute defpouïllé par le commandement de Plutar 
que; pendantqu’on le foüetoit,grondoitaucommencement,que 
c’eftoit fans raifon, & qu’il n’auoit rien fait: mais en fin, fe mettant 
à crier & iniurier à bon efeient fort mailfre,luy reprochoit, qu’il 
n’eftoit pas Philofophe,commeil s’envantoit : qu’il luy auoit fou- 
uent oüy dire, qu’il eftoit laidde fecourroucer, voire qu’il en auoit 
faitvnLiurc ; 6e ce que lors tout plongé en la colere, il le faifoit il 
cruellement battre, defmentoit entièrement Ces Efcrits. A cela Plu- 
tarque,tout froidement & tout raffis; Comment,dit-il,ruftre,à quoy 
iuges-tu que ic fois à cette heure courroucé : monvifage, ma voix, 
ma couleur, ma parole, te donnc-clle quelque tefmoignagc que ie 
fois efmeu? le ne penfc auoir nydesyeux effarouchez, ny le vifage 
troublé, ny vnCry effroyable : rougis-ic ? efeume-ie ? m’cfchape-il de 
dire chofe,dequoy Paye à me repentir ? treftaux-ie ? fremis-ie de cour 
roux ? car pour ce dire, ce font-la les vrais lignes de la colere. Et puis Les chaflimens ne 
fe deftournant à celuy qui foiietoit : Continuez, luy dic-il, toufiours dament ejlre faits en 
voflre tafehe, pendant que cettuy-cy & moy difputons: Voila fon co ^ ere ' 
conte. ArchycàsTarentinus reuenant d vnc guerre, ou il auoit efté 
Capitaine general, trouua tout plein de mauuais mefnage en fa mai- 
fon,&fcs terres en friche, par le mauuais gouuerncmentde fonre- 
ceucur : &c Payant fait appellcr : Va, luy dit-il, li ie n’eftois en colere,, 
ie t’eftrillerois bien. Platon de mefme, s’eftant efehauffé contre J’vn 
de fes efclaues, donna à Speufippus charge de le chaftier, s’exeufant 
d’y mettre la main luy-mefme, fur ce qui! eftoit courroucé. Charillus 
lacedemonien, à vn Elote qui fe portoit trop infolemment & auda- 
cien fementenuers luy ; Par les Dieux, dit-il, fie n’eftois courroucé, ie za colere feplaifl 
te ferois tout à cette heure mourir. C’eft vnepaftionqm feplaiften €nfoy>&f e fl ate ° 
foy, & qui fe Hâte. Combien de fois nous eftans efbranlez fous vite 
fauffe caufe, h on vient à nous prelenter quelque bonne defenfe ou 
cxcufe,nous defpitons-nous contre la vérité mefme 6t l’innocen 
ce? Pay retenu a ce propos vn merueilleux exemple de 1 antiquité. 
Pifo perfonnage par tout ailleurs de notable vertu, s’eftant efmcu 
contre vn lien foldat, dequoy reuenant feul du fourrage,il neluy fça- 
Uoit rendre compte où il auoit laiflévn lien compagnon, tint pour 
aueré qu’il Pauoit tué, & le condamna foudain à la mort. Ainfi qu’il 
cftoit au gibet, voicy arriuer ce compagnon el garé : toute Parmée en 
f c grand’ fefte, 6c apres force carcffes tk accollades des deux compa-
	        
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