Object: Les essais de Michel, Seigneur de Montaigne

44« ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE, 
^Affeumnce peu re 
joint 1 àlamorc. 
Veuë altérée } &fes 
ejJcCis, 
Similitude. 
La nef nots enlcuoit du 
Jiaurc : la terre Si les 
villes reculuicac. Æn.j. 
Le vieil laboureur fouf- 
Î ira branlant la telle; & 
>rs qui! compare le 
temps iadis au prelent, 
il loiie le bon-heur ds 
les pères ; faifant rete 
nir les anciens, comme 
tcmplis de picté.L«cr.a. 
Mort de l’homme 
grande chofe. 
Tant de Dieux en com- 
bullion () fur l’ioterell 
d'vue vie 1, 
Si tu crains de finglet 
en Italie lous la lauue- 
garde du Ciel .lingles- y 
tous la mienne :1e itillc 
& feul motif de ta peur, 
c’ait que tu nçcognois 
point ton palTagct;cou- 
ï âge, romps d’afl’euran- 
ce les vagues & les vêts 
fous ma proteêlion. 
Lticr. s. 
Du ïuger de la mort d'autruy. 
Chapitre X.LIL 
Vand nous iugeons de l’alfeurance d’autruy en la 
mort, qui cft fans doute la plus remarquable adion de 
la vie humaine, il fc faut prendre garde d’vne chofe, que 
mal-aifémcnt on croid eftre arriué à ce poind. Peu de 
gens meurent refolus, que ce foit leur heure derniere : & n’eft endroit 
où la pipperie de l’efperance nous amufe plus. Elle ne celle de corner 
aux oreilles : D’autrcsont bien efté plus malades fans mourir, l’affai 
re n’eft pas 11 dcfefpcré qu’on penfc ; & au pis aller , Dieu a bien fait 
d’autres miracles. Et aduientcela de ce que nous faifons trop de cas 
denousillfemblcquel’vniuerhtédes chofes fouffre aucunement de 
noftrcaneantillementj&qu’cllc foit compaflionnée à noftre eftat. 
Dautant que noftre veuë altérée fc reprefente les choies abufmc- 
ment,& nous eft aduis quelles luy fadlent à mefure qu’elles leur faut: 
Comme ceux qui voyagent en mer, à qui les montagnes, les campa 
gnes, les villes, le Ciel & la terre vont mcfmc brandie, & quant Si 
quant eux : 
Prouehïmurportu, terne que 'vrhéfquerecedunt. 
Qui vid iamais vicillelïè qui ne loiiaft le temps palfé, & ne blafmaft le 
prclent : chargeant le Monde & les mœurs des hommes, delà mifere 
& de fon chagrin.: 
lamque cap ut quajjans grandis j~ujj>irat arator, 
Et cum tempora temponbus prœfenda conjert 
Prretentit, laudatj'ortunas fepe parends 
Et crêpât antiqtmm genus, njtpietate repletum. 
Nous entraînons tout aucc nous; d’où il s’enfuit que nous eftimons 
grande chofe noftre mort, & qui ne palfe pas fi aifément, ny fans fo- 
lemneconlultationdesaftres ; totcircavnum caput tumultuantes Deos. 
E t le penfons d’autant plus, que plus nous nous prifons. Comment, 
tant de Science feperdroit-elle auec tant de dommage, lansparticu 
lier foucy des deftmées ? vne ame fi rare & exemplaire ne coufte- 
elle non plus a tuer, qu’vne ame populaire & inutile ? cette vie, qui en 
couurc tant d’autres, de qui tant d’autres vies dépendent, qui occupe 
tant de monde par fon vfage, remplit tant de places ; fe defplacc-ellc 
com me celle qui tient à fon limple nœud ? Nul de nous ne penfc allez 
n’eftre qu vn. De là viennent ces mots de Cefar à fon pilote, plus en 
flez que la mer qui le menaçoit : 
• • Italïam fi cœlo authore reeufas, 
Adc pete : Jiola tibi eau fa hac cjl mjla timoris ; 
K e clore m non ejje tuum , perrumpe procédas 
Tutela fecure meï:
	        
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