Full text: Les essais de Michel, Seigneur de Montaigne

livre premier: 
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niemcnt des affaires publiques, tant de communauté de Fortunes, 
tant-d offices réciproques &d’alliance J qu’il ne faut pas croire que cet 
te contenance fuft toute faillie & contrefaite, comme eftknc cét 
autre : 
A*—* mtumtpm putauit 
Jarn bonus ejje foccr, lacrymas non Jponte caient es 
Ejfudit, gemittifcjue exprcjft petiare lato. 
Car bien qu’à la vérité la plufpar t de nos actions ne foient que maf- 
que & fard, & qu’il puiffie quelquefois eftre vray, 
Hœredis fletusfub perjona rijus ejl : 
fieft-ce qu’au iugement decesaccidens, il faut confiderer comme 
nos âmes fe trouuent fouuent agitées de diuerfes paffions. Et tout 
ainlî qu’en nos corps ils difent qu’il y a vne afiemblée de diuerfes hu 
meurs , defquelles celle-là eftmaiftreffe, qui commande le plus ordi 
nairement en nous, félon nos coraplexions : auffi en nos âmes , bien 
qu’il y ait diuersmouuemens qui les agirent, lifaut-il qu’il y en ait 
vn à qui le champ demeure. Mais ce n’eft pas auec fi entier auantage, 
que pour la volubilité & fouppldfe de noftre ame, les plus foibles par 
occafion ne regaignent encore la place, & ne facent vne courte char 
ge à leur retour. D’ou nous voyons non feulement les enfans qui 
vont tout naïfuement apres la nature , pleurer & rire fouuent de 
mefmechofe: mais nul d’entre nous ne fc peut vanter, quelque voya 
ge qu’il face à Ion fouhait } qu’encore au départir de fa famille & de 
fes amis, il ne fe fente friffonner le courage :&c files larmes ne luy en 
efehappent tout à fait, au moins met-il le pied à l’eftrié d’vn vifage 
morne & contrifté. Et quelque gentille flamme qui efehauffe le 
cœur des filles bien nées, encore les depend-on à force du col de leurs 
meres, pour les rendre à leur elpoux : quoy que die ce bon com 
pagnon ; / 
EJî ne nom nuptis odïo Venus , dnneparentum 
Fmjîrantur j-aljîs gaudia lacrymults 3 
Vhcrtim thaï ami cjuas intra limina j'undunt ? 
Non , ha me Diui, r uera geinunt 3 ïmcrïnt. 
Ain.fiil n’eftpaseftrange de plaindreceluy-là mort, qu’on rie voii- 
droit aucunement eftre en vie. Quand ie tance aüec mon valet, ic tan 
ce du meilleur courage que l’aye : ce i ont, vray çs & non feintes impré 
cations : mais cette fumée paflée, qu’il ait befoin de moy, ie luy bien- 
feray volontiers, ie tourne à l’inftantlc fueillet. Quand ie l’appelle 
vn badin, vn veau : ie n’entreprends pas de luy coudre à iumais ces ti 
tres : ny ne penfe me defdire, pour le nommer bonnette homme tan- 
toft apres. Nulle qualité ne nous embrafiè purement & vniuerfclle- 
ment. Si ce n’eftoit la contenance d’vn fol, de parler feul, il n’eft iour 
ny heure a peine, en laquelle on ne m’ouïft gronder en moy-mefme,' 
contre moy, Brendu lat :&fi n’entèn pas, que ce foitrrïa défini 
tion. Qui pour me faire voir vne mine tantoft froide ? tancoft amou- 
ÎI creut lors qu’il poii- 
uoitlans péril: faire le 
bon bcau-perc: & ver 
sât des larmes forcées, 
il exprima des foupirs, 
d’vnfcin épanoui de 
ioye. Luean.l.ç. 
Les pleurs d’vn heri 
tier, font des ris foubs 
le mafque. Aul. Geü. ex 
Fi:b-tntm. 
Similitude. 
’ffemblce de diuer 
fes humeurs en no- 
fire corps. 
Pleurs & ris peur 
ntefme chofe. 
Pilles dépendais du 
col de leurs meres, 
pour future leur ef- 
poux. 
VenUscft elle^odieufs 
aux nouucllcs mariées ? 
ou R elles fraudent la 
ioyc de leurs parois, 
par les feintes larme - 
îettes qu'elles rcfpaa- 
dent en abondance fur 
le bord du lift nuptial? 
les Dieux me perdent fi 
leur cœur pleure, cat
	        
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