Full text: Les essais de Michel, Seigneur de Montaigne

m ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE, 
La chaude fiebure ne 
déloge pas plus Cou 
dait! d’vn corps qui gic 
en vn liâ: diapré de 
pourpre flamboyât,ou 
d'vn riche ouuiagcrif- 
fude figures, que fi elle 
J'cnft agité dans quel 
que fimple IkS. idem, 
ibid. 
Alexandre fis de 
Jupiter. 
^éntigonw fils du 
Soleil. 
Qik lespueelles lera- 
uitsct,que tout ce qu’il 
marchera deuienne ro- 
fes. t'erj.Ja t a. 
Tels biens font faits 
ainfi , que l’cfprit de 
leur pofleilcur: ils font 
bôs a qui en feait vfer, 
& mauuais a qui ne le 
feaitpas. Ttr. 1 eajict.i- 
Biens de fortune, 
comme fe dament 
fauourer. 
N y terres, ny maifons, 
ny pluficurs monceaux 
d’or & d'argent,n arra 
chent point la fiebure 
du corps de leur Sei- 
f neur,ny les inquietu- 
es de Ion ame : & faut 
que celui qui veut louïr 
à poinâ des biens a- 
maflez, fojt fain Si fa- 
f c Qujcôquc eft prefle 
e la crainte ou du dé 
fit, fes biens luy plai- 
fent, & luy Cernent au 
tant, que les tableaux 
aux yeux malades, ou 
les emplaftres aux 
goutteux, tior. 1.1. ef. 
Bien efgalement 
mal à l mufle. 
Tout fabriqué d'or & 
d’argent, xib. 1.1, 
Pafiuns de l’ante 
nous dérober le plai- 
fir des commodité^ 
externes. 
perles, n’a aucune vertu à. rappaifer les tranchées d’vnc vertu coli« 
que. 
Ncc calida citius décédant corpore fehm 3 
Tcxïihhm fi in pi fl uns of roque ruhenti 
laflcns, qudm f plebeia in njcfe euhandum efl. 
Les flatcurs du grand Alexandre luy faifoient accroire qu’il eftoit fils 
de lupiter : vn. iour cftant blcflTé, regardant efcouler le fang de fa 
play e : Et bien qu’en dites-vous? dit-il : eft-cc pas icy vn fang vermeil, 
&c purement humain? iln’cft pas de latrampedcceluy queHomcrc 
fait efcouler de la playe des Dieux. Hcrmodorus le Poète auoit fait 
des vers en l’honneur d’Antigonus, où il l’appelloit fils du Soleil : & 
luy au contraire: Celuy,refpondic-il, qui vuidc ma chaife percée, 
fixait bien qu’il n’en eft rien. C’cft vn homme pour tous potages : Et 
fi de foy-mefme c’cft vnhomme mal né, l’Empire de rVniuersncle 
fçauroit rabiller. 
puella 
Hune rapiantj quicquid calcauerit hic 3 roCx fat. 
Quoy pour cela, fi c’cft vne ame groifiere & ftupidc ? la volupté mef- 
mc & le bon-heur ne s’appcrçoiuent point fans vigueur & fans efprit, 
». —hac perinde fntjOjt illius ammus qui eapojfdetj 
Qup vtifitjà bona 3 iüi qui non 'Vtitur refiè 3 mala. 
Les biens de la fortune tous tels qu’ils font, encores faut-il auoirlc 
fentimcnt propre à les fauourer: C’eftlciouïr,nonle poflfeder,qui 
nous rend heureux. 
7\\on domus ftf fundus 3 non écris aceruus & auri, 
Ægroto domim deduxit corpore febm 3 
Non animo curas s valeat pofjefor oportet 3 ' 
Qui comportait rebus bene cogitât vH, 
Qua cupit, aut metuit 3 iuuat ilium fc domus aut ns 3 
Ht lippum pi fia tabula 3 fomenta podagram. 
il eftvn foc, Ton gouft eft moufle & hébété; iln’cn iouït non plus 
qu’vn morfondu de la douceur du vin Grec, ou qu’vn cheual de la ri- 
cheftèdu harnois, duquel on l’a paré. Tout ainfi comme Platon dit, 
que la fanté, la beauté, la force, les richefles, &tout ce qui s’appelle 
bien, eft cfgalement mal à l’iniufte, comme bien au iufte, & le mal au 
rebours. Et puis, où le corps & i’amc font en mauuais eftac, à quoy 
faire ces commoditez externes? veu que la moindre picqueured’ef- 
pingle,& paftiondcrame,eft fuffifante à nous ofter le plaifirdela 
Monarchie du Monde : A la première ftrette que luy donne la goût* 
te, il a beau eftrc Sire & Majefté ; 
Totus ft) argento confatus, totus ft) aura. 
perd-il pas le louuenirdefes palais & de fes grandeurs? S’il eft en co 
lère, fa Principauté le garde-elle de rougir,de paflir,de grincer les 
dents comme vn fol? Or fi c’cft vn habile nomme ôc bien né,la royau 
té adioufte peu à Ton bon-heur :
	        
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