Full text: Les essais de Michel, Seigneur de Montaigne

ï 9 % ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE, 
Dautant certes, qu’il 
ne cognoifl'üu pas le 
•vray but de porteder les 
biens : ny iufques à 
quels termes s’eftend 
le contentement cer 
tain. Lucr.'.K 
Charû auec fes mœurs 
fc forge fa fortune. 
Cet», ùitfoi in vint 
AHie. 
Oy&* foye plus à 
ntej^nferd’yn Prm 
ce, que de tout autre } 
& pourquoy. 
Soyes y quanti te 
nues x ydité en 
France* 
de palfcrcnltaliCjCyneasfonfageConfeillerluy voulant faire fen- 
tir la vanité de Ton ambition: Et bien, Sire, luy demanda- il, à quelle 
fin drelfez-vous cette grande entreprinfe? Pour mefaircmaiftredc 
l’Italie, refpondit-il foudain : Et puis, fuiuit Cyncas, cela fait ? lepaf- 
feray, dit l’autre, en Gaule &c en Efpaigne : Et apres? le m’en iray fub- 
iuguer l’Afrique, & enfin, quand i’auray mis le Monde enmafub- 
ieâ:ion,ic me repofcray&viuray content &àmonaife. Pour Dieu, 
Sire, rechargea lors Cyncas, dites-moy, à quoy il tient que vous ne 
foyezdésà prefent, fi vous voulez, en céc eftat? Pourquoy ne vous 
logez-vousdés cettchcurc, ou vous dites afpircr,&nevous efpar- 
gnez tant de trauail & de hazard, que vous iettez entre-deux ? 
Nimirum quia non henc norat quœ ejjet habendi 
Finis y (éf omnino quoad crcjcat njera 'voluptas, 
le m’en vais clorre ce pas par vnverfet ancien, que ie trouue fingu- 
liercment beau à ce propos: 
Mores cuique jui fingttnt fortunam. 
TDes loix fomptuaires. 
Chapitre XLÎIL 
A façon dequoy nos loix efiayent à régler les folles & 
vaines defpenfcs des tables & veftemens, femblc cftrc 
contraire à fa fin. Le vray moyen, ce feroit d’engendrer 
aux hommes lemefpris de l’or &c de la foye, comme de 
chofesvaines & inutiles: 5c nous leur augmentons l’honneur &le 
prix, qui cft vne bien inepte façon pour en defgouftcr les hommes. 
Cardireainfi,Qiuln’y aura que les Princes qui mangent du turbot, 
qui puiflent porter du velours 5c de la treffe d’or, & l’interdire au 
peuple j qu’eft-ce autre chofe que mettre en crédit ces chofcs-là, & 
faire croiftrc l’enuie à chacun d’en vfer ? Que les Roy s quittent har 
diment ces marques de Grandeur, ils en ont allez d’autres: tels cx- 
cez font plus excufables à tout autre qu’à vn Prince. Par l’exemple 
de plufieurs Nations, nous pouuons apprendre alfcz de meilleures 
façons de nous distinguer extérieurement, nous &c nos degrez, (ce 
que i’eftime à la vérité, cftre bien requis en vn eftat,)fans nourrir 
pour cét effet, cette corruption &c incommodité fi apparente. C’eft 
merueillc comme la couftumc en ces chofcs indifférentes, plante 
aifément 5c foudain le pied de fon authorité. A peine fufmcs- 
nous vn an, pour le ducil du Roy Henry fécond, à porter du drap 
à la Cour; il cft certain que défia à l’opinion d’vn chacun, les foyes 
cftoient venues àtellcvilité,quc fi vous en voyiez quclqu’vnvcftu, 
vous en faifiez incontinent quelque homme de ville. Elles cftoient 
demeurées en partage aux Médecins &c aux Chirurgiens : 5c quoy 
qu’vn
	        
Waiting...

Note to user

Dear user,

In response to current developments in the web technology used by the Goobi viewer, the software no longer supports your browser.

Please use one of the following browsers to display this page correctly.

Thank you.