Full text: Les essais de Michel, Seigneur de Montaigne

LIVRE SECOND. 
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Ses conditions cor» 
pondes. 
proportion de membres ; ne peuuent faire vn bel homme. Fa y au 
demeurant, la taille forte tk ramaffée, le vifage, non pas gras, mais Taille de Montai* 
plein,la complcxion entre le iouial &de mélancolique,moyenne- gw, 
ment fanguinc & chaude, 
Vnde rigent fetis mihi entra, 3 & péclora "ü illis : De là vîeat que ma 
La fanté, forte & allègre, iufques bien auant en mon âge, rarement teSfcwkpoil. mV 
troublée par les maladies. F elbois tel,car ie ne me confidere pas à cette 
heure, que ie fuis engagé dans les auenuës delà vieilleffe,ayant picça 
franchy les quarante ans. 
minutâtim 'vires rohur adultum . , EI l c romp f p , eu a peu 
^ les forces, & la meure 
Framit, & in partern peïorem limitur retas. yigueuFdc ic^ncfle Et 
jp i r 1 r 1 i n J'age s c ^ cou ‘ e tombant 
Ce que ie feray dorelnauant, ce ne lera plus qu Vn demy eltre : ce ne au déclin, 
fera plus moy : le m’efehappe tous les iours, & me defrobe â moy- 
mefme. 
Singula de nohts anni prœdantur euntes. Le temps pille en paf- 
* rr i i - r c ■ ■ > r r • i, lant de 1105 cor P s ^ cs 
D’adreüc&dedilpoiition,ien en ay point eu: Scliluis hlsd vnpere parcelles. Hor.ep.it. 
difpofl, & dVne allegrelfe qui luy dura iufques â fon extrême vieil- 
leffe. Il ne trp.uua guère homme de fa condition,qui s’égalaft â luy en 
tout exercice de corps : comme ie n’en ay trouué guère aucun, qui ne 
me furmontaft j fauf au courir, en quoy feftoy des médiocres. Delà 
Mufique,ny pour la voix, que fyay tres-mepte,nypour les inftru- 
mens,on ne m’y a iamais feeu rien apprendre. A la danfe, à-la paulme, 
à la ludtc, ie n’y ay pu acquérir qu’vne bien fort legerc & vulgaire fuf- 
iifance : â nager, â eferimer, â voltiger, &â fauter, nulle du tout. Les,, 
mains, ie les ay fi gourdes ,queie ne fçaypaselcnre feulement pour 
moy: de façon,que ce que i’ay barbouillé,i’ay me mieux le refaire que 
de me donner la peine de le demefler,& ne ly guère mieux. le me fens 
poifer aux efeoutans : au tremét bon clerc. le ne fçay pas clorre â droit 
vne lettre, ny ne feeus iamais tailler plume, ny trancher â table, qui 
vaille, nyequippcrvnchcual de Ion harnois,ny porter à poinélvn 
oyfeau, & le lafeher : ny parler aux chiens, aux oy féaux, aux cheuaux. 
Mes conditions corporelles font en famine tres-bien accordantes â 
celles de lame, il n’y a rien d’allegre: il y a feulement vne vigueur 
pleine & ferme. le dure bien â la peine, mais i’y dure, h ie m’y porte 
moy-mefme, & autant que mon defir m’y conduit : m d fr d ^ 
Molhtcr aujlerum Jhtdio fallente laborem. doucement, Lauftcre 
Autrement, fi ien’y fuis alléché par quelque plaifir,& fi i’ay autre ^ sappkque - 
guide que ma pure îk libre volonté, ie n’y vauls rien ; Car i’en fuis la, 
que fauf la fanté & la vie, il n’cft chofc pourquoy ie vueille ronger Ses conditions d’ef- 
mes ongles, & que ie vueille acheter au prix du tourment d’efpnt, & l rit ° 
de la contrainte : 
-tanti mihi non fit opaci 
O rnnis arena T agi, quodque in mare ‘voluitur aurum. 
P v ., 0 rr ° J À |.j „ _ prix toute l’an 
£.xtiemement ouïr, extrêmement librepar naturc&par art. le Tage ombragé, 
prefteroyauffi volontiers monfang,que monfoin.I’ay vncameiibre 1ÜI Iùu 
Rr hj 
Dieu ne permift , que 
ie peufle acheter à ce 
prix toute l’arcine du. 
ny tout 
qui le roule en la
	        
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