5 o5 ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE,
Roys formante^
de s Romain s,lasffe^
'en la pojfefion de
leurs Royaumes.
Afin qu'ils «iITcat des
Roys Kictmcs, pour in-
lirumcns de lcruitudc.
Tœcit.
Royaume £ Hon
grie donne far So-
lyrnan.
vrayement raifon, comme il fie, d’enuoyer depuis dire au Sénat par
Tes amBafiadcurs ; qu’il auoit receu leur ordonnance,demefineref-
pc£l, que fi elle fuft venue des Dieux immortels. Tous les Royaumes
qu’Auguftc gaigna par droidt de guerre,il les rendit à ceux qui les
auoient perdus ,ou en fit prefcntàdes cftrangers. Et fur ce propos
Tacitus parlant du Roy d’Angleterre Cogidunus, nous fait fentir
parvn merueilleux trait cette infinie puiffancc: Les Romains (dit-il)
auoient accouftumé de toute ancienneté, de laiffer les Roys qu’ils
auoient furmontez, en la pofteflion de leurs Royaumes, fous leur au-
thorité: à ce qu’ils euffentdes Roys mefmes, outils de feruitude :
haherent infimmenta jermtutts ®es. Il eft vray-femblable, que Soly-
man, à qui nous auons veu faire libéralité du Royaume de Hongrie,
6c autres Eftats ,regardoit plus à cette confédération, qu’à celle qu’il
auoit accouftumé d’alleguer ; qu’il eftoit faoul & chargé de tant de
Monarchies 6c de domination, que fa vertu, ou celle de lès anccftres,
luy auoient acquis.
“De ne contrefaire le malade,
Chapitre XXV.
Gouttes cmtrefai
tes de Cxhus.
Tant peut l’art & l’c-
llude de la douleur-,
que Cclius qui le fei-
guoit goutteux, ne le
tenu plus. Hart.l. 7,
Borynes contrefaits,
tfj\ ciuellement f ri
de la "reue.
ut
*V U
L y a vn epigramme en Martial qui eft des bons, car il y
en a chez luy de toutes fortes : où il récite plaifamment
l’hiftoire de Cælius, qui pour fuir à faire la cour à quel
ques Grands à Rome, fe troutier à leur leuer, les affifter &
les fuiurc, fit la mine d’auoir la goutte: & pour rendre fon exciilc
plus vray-femblable, fe faifoit oindre les jambes, les auoit enuelop-
pées,&contrcfaifoit entièrement le port 6c la contenance d’vn hom
me goutteux. Enfin la fortune luy fi t ce plaifir de le rendre goutteux
tout à fait.
Tantum cura potcfl & ars do Ions,
Défaitfîngere Cxhus podagram.
l’ay veu en quelque lieu d’Appian, ce me femblç, vue pareille hiftoi-
re : d’vn qui voulant efehapper aux proferiptions des triumvirs de
Rome, pour fedefrober de la cognoiffance de ceux qui le pourfui-
uoient,le tenant caché 6c trauefty,y adioufta encore cette inuention,
de contrefaire le borgne: quand il vint à recouurcr vn peu plus de
liberté,& qu’il voulut deffaire i’cmplatre qu’il auoit long-temps por
té fur (on oeil, il trouua que fa veue eftoit effeclucllement perdue
fous ce mafque. Il eft poffible que l’adtion de la veue s’eftôit hebetée,
pour auoirefté fl long-temps 1 ans exercice, 6c que la force vifiue s’e-
ftoit toute rejettée en l’autre oeil : Car nous (entons euidemmeneque
l’œil que nous tends couucrt,renuoye à fon côpagndn quelque partie
de (on effet : en maniéré que celuy qui relie, s’en groffit 6c s’en enfle;