Full text: Les essais de Michel, Seigneur de Montaigne

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plus eiüilifcz & plus arciftes, que nettoient les autres nations de U, 
Aulft iugeoicnt-ils, ainfi que nous, que l’Vniuersfuft proche de fa 
fin, de en prindrenc pour ligne de la defolation que nous y apportaf- 
nies. Ils croyoient que l’eftre du Mondete dépare en cinq aages, & en 
}a vie de cinq foleils confecutifs,defqirèlsles quatre auoient defià 
fourny leur temps, & queceluy qui leurefclairoitfeftoitlecinquief- 
rne. Le premier peritauec toutes lesautres créatures, par vnitierfelle 
inondation d’eaux. Le fécond, par la chcuteduCiel fur nous, qui 
eftouffa toutechofeviuante ; auquel aage ils alignent leà Géants, de 
en firent voir aux E ( pagnols des ofTeraens,à la proportion defquels la 
ftature des hommes reuenoit à vingt paumes de hauteur. Le troifief- 
me, par feu, qui embrafa de çonfumà tout. Le quatriefme, par viic ef- 
motion d’air & de vent, qui abbatitiufqites à plufieurs inontaignes: 
îeshommes n’en moururent point, mais iis furent changez en ma 
gots ( quelles impreftions ne fouffre la lafchecé de l’humaine creance!) 
A près la mort de ce quatriefme Soleil,, le Monde fut vingt-cinq ans 
en perpétuelles tenebres : Au quinzicfme defquels fut crée vn hom 
me & vne femme,qui refirent 1 humaine race.Dix ansapres, % certain 
de'jeursiourSjie Soleil parut nouuellemeiitcrcé:&commence depuis 
le compte de leurs années par ce iour-là. Le troifiefme iour de fà créa 
tion, moururent les Dieux anciens.les nouueaux font nays depuis du 
iour à laiournée. Ce qu’ils eftiment de la maniéré que ce dernier So 
leil périra, mon Autheur n’en a rien appris. Mais leur nombre de ce 
quatriefmechangement, rencontre à cette grande éoniomftion des 
aftres, qui produifit il y ahuiét cens tànt d’ans, lelori que les Aftro- 
îogues eftiment, plufieurs grandes alterations & notiUeautcz au 
Monde. Quant à la pompe & magnificence par oùic fuis entré en 
ce propos, ny Grèce,ny Rome, ny Ægypte, ne peut,foit en vtilité ou 
difficulté, ou noblefte, comparer aucuns de fesouurages, au chemin 
qui fe void au Peru, dreffié par les Roy s du pays, depuis la ville de 
Quito, iuldues à celle deCufco (ilyatroiscenslieues) droit,vny, 
large de vingt-cinq pas, paué,reueftu de eofté& d’autre de belles de 
hautes.murailles, & le long d’icelles par le dedans, deux ruilfealix 
perennes, bordez de beaux arbres, qu’ils nomment, Moly. Ou iis ont 
trouuédes montaignes & rochers, ils les ont taillez &applanis,&: 
comblé les fondrières de pierre de de chaux. Àu chef de chalque iour- 
nce, il y a de beaux Palais tournis de viures, de veftemens, de d’armes s 
tant pour lés voyageurs que pour les armées qui ont àypàlfer. En 
l’eftimation de cét ouurage, i’ay compte la difficulté, qui eft parti 
culièrement confidcrable en ce lieu-là. Ils ne baftdîoient point 
de moindres pierres que de dix pieds en carré ; ils n’auoicnt autre 
moyen de charrier qu’à force de bras, en trainant leur charge : de pas 
feulement l’art d’efehaftauder : n’y fçaehans autre finette,que de haut 
fer autant de terre,contre leur baftimenr, comme il s’cllcuê, pour l’o- 
fter apres. Retôbons à nos coches. En leur place,&de couteautrcvoi- 
, tü ini 
Cinq aages du modèl 
Géants es Indes. 
Magots, 
Soleil nouvellement 
créé. 
Grande conionffiioti 
dessins. 
Chemin magnifia 
que de Qwto à Cufco.
	        
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