304 HISTOIRE DU PEUPLE D'ISRAËL.
tion d’être des aide-mémoire, des garde-souvenirs.
Mais tout cela était vacillant, prêtait à beaucoup
de confusions.
Les chants populaires constituaient un témoi-
gnage bien plus ferme’. Autant le peuple, en
effet, est incapable de retenir un fait précis comme
ceux qu’aime l’histoire, autant sa mémoire est apte,
avant l'écriture’, à retenir des pièces rythmées
et chantées. La pièce rhytmée, surtout d’après
les lois du parallélisme sémitique, est comme
le quipou, la cordelette à nœuds, qui retient ce qui
sans elle s’égrenerait. C’est ainsi que chaque tribu
arabe, sans nulle écriture, conservait autrefois le
Divan entier de ses poésies; c'est ainsi que la mé-
moire arabe anté-islamique, à laquelle on eùt vai-
nement demandé un renseignement historique
précis, a gardé, jusqu’à l’arrivée des lettrés de
Bagdad, cent cinquante ans après Mahomet,
l’énorme trésor poétique du Kitab el-Aghäni, des
Moallakät et des autres poèmes du même genre.
Les tribus touaregs présentent de nos jours des
phénomènes du même genre”.
1. Voir ci-dessus, p. 258-259.
2. Platon, Phèdre, 59.
3. Hanoteau, Gramm. Tamachek, Paris, 1860; Poésies popu-
laires de la Kabylie du Jurjura, Paris, 1867.