300 ESSAIS DE PSYCHOLOGIE CONTEMPORAINE
à la possibilité de relier ensemble la nouvelle France et
l’ancienne par un régime de monarchie modérée et de
double parlement. M. Guizot était l’ami de Royer-Col
lard. C’est dire qu’il fit, plus que personne, acte de foi
dans la vertu du libéralisme. On croyait à la rénovation
des lettres par l’influence de la grande poésie du Nord.
M. Guizot traduisait Shakespeare. On croyait à la science
déjà, et on entrevoyait la prodigieuse besogne de renou
vellement que des méthodes plus exactes allaient accom
plir dans tous les domaines. M. Guizot en effet renou
velait l’histoire par Cet enseignement qui est devenu une
des glorieuses légendes de la Sorbonne, et dont M. Taine
a voulu relever. A travers les lettres où il raconte, soit à
sa mère, soit à sa femme, les phases diverses où se déve
loppe son activité, la joie circule, joie intense et profonde
de l’homme encore jeune qui participe à l’œuvre de son
temps et qui l’aime. Tel nous apparaît M. Guizot avant
que la révolution de Juillet ne le porte aux affaires, tel
encore après cette révolution et dans l’exercice de son
rôle de ministre ou d’ambassadeur. Cette seconde période
va jusqu’au mois de février 1848. Durant ces années de
pleine possession du pouvoir, c’est toujours la même
ardeur de l’âme, une même invincible confiance dans la
portée de l’effort sincère, un même besoin de transformer
la pensée en action, les principes en faits, l’idéal intérieur
en réalité. Puis, quand la troisième période arrive, celle
des années de vieillesse, et aussi la banqueroute irrépa
rable de tant d’espérances, l’action encore, l’action tou
jours aide le ministre tombé à dompter le malheur. Il
redevient l’historien d’avant ses grandeurs politiques. On
serait tenté d’écrire à la première page de cette corres
pondance la parole, sublime d’énergie intime, que Napo
léon prononçait sur le vaisseau qui l’emportait à Sainte-
Hélène : « Eh bien ! nous travaillerons. Nous écrirons