M. LECONTE DE LISLE
«S
d’apercevoir que derrière cette agitation visible
fonctionnent des causes invisibles, et que, par-des
sous les mœurs, travaillent les idées. Dans le cer
veau de ces hommes qui se hâtent, poussés par la
nécessité de gagner leur pain, sous un certain cli
mat et d’après de certaines habitudes, il se remue
des conceptions abstraites, ou plus ou moins nettes,
ici grossières et là raffinées Ces conceptions sont
un fait, comme l’étalage de ces marchandises de
vant ce comptoir, comme la poussée de ces voitures
dans ce tournant de rue. La preuve en est que ce
passant qui court à ses affaires s’arrête à lire ce
morceau de journal, à discuter avec son compagnon
sur un point de politique. Ce Parisien a une théorie
de la religion et une théorie de la nature, une théo
rie de l’état et une théorie du devoir, — obscure
doctrine, humble reflet, déformé dans ce misérable
miroir, des grands feux d’artifice intellectuels qui
se tirent là-haut, parmi les philosophes, les écrivains
et les savants. N’importe. Une secrète unité rattache
les généralisations maladroites et rudimentaires des
illettrés aux spéculations des maîtres. Il suit de là
que, si l’écrivain entreprend de reproduire la société
par les idées, il sera aussi vrai que celui qui entre
prend de la peindre par les mœurs. Il peut à son gré
choisir le décor dans lequel il évoquera ces idées.
Si le symbolisme antique est le plus capable de se
prêter à cette évocation, l’artiste sera, en l'em
ployant, aussi actuel, aussi contemporain que le
plus scrupuleux nomenclateur d’un quartier nou
veau de Paris? C’est ainsi que la Colère de Samson