LETTRE A JULES JANIN.
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sentant de l’école satanique en France, tint pour une injure per
sonnelle ces attaques à Heine et à Byron. Aussi prit-il sur-le-
champ la plume pour écrire à Janin une lettre pleine de colère,
de raillerie et d’impertinence. Si nous ne citons pas ici ces cu
rieuses pages, c’est que la plupart des arguments en furent re
pris par Baudelaire, avec plus d’ampleur et de force dans le
brouillon suivant, conservé par Poulet-Malassis, d’un article de
journal ou d’une brochure, qu’il voulait publier en réponse
au feuilleton de l'Indépendance belge. La lettre ne fut pas envoyée,
ni l’article terminé. On voit, par les lettres qu’il écrivait, de
Bruxelles, à plusieurs de ses amis, que l’ennui, la tristesse et sans
doute la graduelle impuissance qui précède la paralysie du cer
veau, l'avaient fait tomber dans un tel dégoût de toutes choses,
qu’il abandonnait ses projets à peine formés, en se répétant per
pétuellement ; « A quoi bon? «
Les fragments qui suivent ne sont, il est vrai, que des notes,
rapidement rédigées ; mais elles renferment l’expression, très sin
cère et sans réserve, des jugements que portait Baudelaire sur
nombre de poètes ses rivaux. On pourrait joindre ces pages, en
guise de complément, aux notices intitulées : Réflexions sur
quelques-uns de mes contemporains. (Curiosités esthétiques, t. V
des Œuvres complètes.)
Monsieur, je fais ma pâture de vos feuilletons, —
dans VIndépendance, laquelle vous manque un peu de
respect quelquefois et vous montre quelque ingrati
tude. Donc je vous lis; car je suis un peu de vos amis,
si, toutefois, vous croyez, comme moi, que l’admira
tion engendre une sorte d’amitié.
Mais le feuilleton d’hier soir m’a mis en grande
rage. Je vais vous expliquer le pourquoi.