Full text: Les essais de Michel, Seigneur de Montaigne

V $ % ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE; 
Ï1 en'cft qui ne tef- 
tnoignet rien d’autruy, 
que ce qu'ils croycnc 
pouuoir imiter. de. 
erm.-ttd Brut.' . 
Oncroidque Javet'- 
tunefoit qu’vue paro 
le, Comme on croid 
qu’vn bois ùmft tft du 
bois lîmpicmprit. Hcr. 
I. i. Efijt. 
Qujls deuroientre- 
uerer, quand ils ne la 
pourtoient acquérir. 
C le. Thuf. r. 
Vertueufes allions 
anéanties puur le 
lourd huy. 
pies. Mafoibleffenaltcrc aucunement les opinions que ie dois auoir 
de la force 6e vigueur de ceux qui le méritée. Sunt } quinihtlfuadet^udm 
qmdfe imitaripojje confidunt. Rampant au limon de la terre, ie ne lalife 
pas de remarquer iufques dans les nues la hauteur inimitable d aucu 
nes âmes héroïques : C’eft beaucoup pour moy d’auoir le iugement 
règle, fi les effcéts ne le pcuucnt cftrc, 6e maintenir au moins cette 
maiftreficpartie, exempte de corruption : C’eft quelque choie d’a 
uoir la volonté bonne, quand les iambes mefaillent. Ce ficelé, au 
quel nous viuons, au moins pour noftre climat, eft fi plombé, que ic 
ne dis pas l’execution, mais l’imagination mefme de la vertu en eft 
à dire : 6e fcmble que ce ne foit autre chofe qu’vn iargondeCol- 
lege. 
virtutem ‘verha putant, njt 
Bataille de Potidée 
gaignée par Us 
Grecs. 
Volonté & non 
l'effecl lucre de nos 
aéiions. / 
léchons genersufes 
des v Anciens, 
Lucum ligna: 
quant 'vereri deberent, etiam f percipere non pojjent. C’eft vn affiquet à 
pendre en vn cabinet, ou au bout de la langue, comme au bout de 
l’oreille, pour parement. Il ne fe rccognoift plus d’aétion vertueufe: 
celles qui en portent leVifage, elles n’en ont pas pourtant l’efience : 
car le profit, la gloire, la crainte, l’accouftumance, 6e autres telles 
caufes eftrangercs nous acheminent à les produire. La iuftice, la vail- 
lace, la débonnaireté que nous exerçons lors,elles peuuent eftre ainfi 
nommées, pour laconfideration d’autruy, 6e du vifage quelles por 
tent en public : mais chez Tournier, ce n’eft aucunement vertu. Il y 
avnc autre fin propofée, autre caufe mouuantc. Or la vertu n’ad- 
uoüe rien, que ce qui fe fait par elle, & pour elle feule. En cette gran - 
de bataille de Potidée, qucles Grecs fous Paufanias gaignerent con 
tre Mardoniu s 6e les Perfes : les victorieux fuiuanc leur couftume,ve- 
nans à partir entre eux la gloire de Texploiét, attribuèrent à la Na 
tion Spartiate la preccllence de valeur en ce combat. Les Spartiates 
excellens luges de la vertu, quand ils vindrent à décider, à quel parti- 
culier de leur Nation deuoit demeurer Thôneur d’auoir le mieux fait 
en cette iournécjtrouuerentqu’Ariftodcmus s’eftoitlcplus coura- 
geufement bazardé : mais pourtant ils ne luy en donnèrent point de 
prix, parce que la vertu auoit efté incitée du defir de fe purger du 
reproche, qu’il auoit encouru au fait des Termopylcs : 6e d’vn appé 
tit de mourir courageufement, pour garentir fa honte paffée. Nos 
iugemens font encores malades, 6e fument la deprauation de nos 
mœurs. le voy laplufpartdesefprits de mon temps faire les ingé 
nieux à obfcurcir la gloire des belles 6e genereufes actions anciennes, 
leutdônant quelque interprétation vile, 6e leur controuuat des oc- 
cafions6edescauiesvaines:Grandefubtilité : Qifon me donneTa- 
dtionlaplus excellente6epure, ic m’en voisy fournir vray-fembla- 
blement cinquante vicieufes intentions. Dieu fçait à qui les veut 
eftendre, quelle diuerfité d’images ne fouffre noftre interne volon 
té : ils ne font pas cancmalicieufement, que lourdement 6e grolfie-
	        
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