ïj 4 ' ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE,
i
Pocjîc de Montai
gne , quelle.
£lcur;& par fadeur, confccutiucment tout vn peuple. C cft l’cnfD
jure de nos aiguilles fufpenduës 1 vnc de l’autre. Dés ma première en
fance, la P oéfie a eu cela, demctranfpcrccr&tranrporter. Mais ce
reflentiment bien vif, qui ell naturellement en moy, a efte diuerfe-
ment manie par diuerfité de formes,non tant plus hautes &plus baf
fes, car c’eftoicnt toufiours des plus hautes en chaque efpecc, comme
differcn tes en couleur.Premierement vnc fluidité gaye & ingenieufe:
depuis vnefubtilité aiguë&relcuée. Enfin, vne force meure &con-
Zoiiange de Caton. liante. L’exemple le dira mieux. Ouide,Lucain, Virgile. Maisvoila
nos gens fur la carrière.
Sit Cato dum uiuit fane uel Cafare maior,
ditl’vn:
& inaichim deuicla morte Catonem,
dit Pautre.Et l’autre,parlant des guerres ciuiles d’encre Cefar 5c Pom-
peins,
Vicîrix caufà Dits placuit y fed vifîa CatonL
Et le quatriefmcfurlcs loüangcs de Cæfar :
Et c un cl a terrarum fubatfa.
Prêter atroeem animum Catonis.
EtIemaiftreducœur,apresauoircftaléiesnomsdesplus grands Rc£
mains cnfapeinturc, finit en cette maniéré ;
—— lois dantem iura Catonem.
Que Caton foit toute
là vie , Plus grand que
Je mefmc CcJ'ar, Si un.
ht. 6.
Et Caton indomtable,
ayant Jointe la mort.
Sjfinit. AUr. I. 4.
Le vainqueur prend
fon drOÿdl de la fkucur
de: DicùX, De celle de
Caton le vaincu s’au-
thorife. Luean. I. r.
Sa forte main domta
tout ce qu’on void fur
cerre;Sauf la btauefier-
té du grand cœur de
Caton. Hor.l.i.
Caton efl: là,qui donne
à tous la loy. Æneiti. t.
Comme noies pleurons & rions d'une mefme chojè.
Chapitre XXXVIL
Tejle du Roy Pyr
rhus prejentée a.An
tigonus par fon fis.
Bataille d\Auroy.
Mort des "Vam cm
pleuree par les l/i~
ctoruux.
Peltarq.
Tejle de Pompée
prefentée à Cefr.
Vand nous rencontrons dans les hiftoircs, qu Antigo-
. nus feeut trcs-mauuais gré à fon fils, de luy auoir prefen-
> té la telle du Roy Pyrrhus fon ennemy, qui venoit fur
, l’heure mefme d’ellre tué combattant contre luy : &que
l’ayant veuë il fc print bien fort à pleurer : Et que le Duc René de
Lorraine, plcignit aufli la mort du Duc Charles de Bourgongne,
qu’il venoit de défaire, 5c en porta le dueil à fon enterrement: Et
qu’en la bataille d’Auroy, que le Comte de Montfort gaigna contre
Charles deBlois fa partie, pour le Duché de Brctaigne ; le vidorieus
rencontrant le corps de fon ennemy trefpafle, en mena grand dueil,
il ne faut pas s’eferier foudain :
Et cof auen che l'ammo ciafcuna
Sua pajfwn fotto cl contrario manto
Rjcopre , con la uifla hor chiara, horhmna.
Quand on prefenta à Cacfar la telle de Pompeius, leshilloircs difcnt
qu’il en deltournafa veüc, comme d’vn vilain5c mal plaifant fpeda-
cle. Il y auou eu entr’eux vnc fi longue intelligence 5c focicté au ma-