Full text: Les essais de Michel, Seigneur de Montaigne

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livre premier. 
*5? 
De la Jolitude, 
Chapitre XXXVIIL 
A iss o ns à part cette longue comparaifon de la vie fo- 
l lta * rc a l’ a( fth-ie '• Et quant à ce beau mot, dequoy fe cou- 
/ g||g|£ ure l’ambition & l’auaricc, Que nous ne Tommes pas naiz 
pour noftre particulier, ains pour le public ; rapportons 
nouscnhardimcntàceuxquifontenladanfe : & qu’ils fe battent la 
confcicnce,fiau contraire, les eftats,les charges, & cette tracalTerie 
du monde,ne fe recherchentpluftoft, pour tirer du public Ton profit 
particulier. Les mauuais moyens par où on s’y pouffe en noftre hecle, 
monftrent bien que la fin n’en vaut gueres. Refpondons a l’ambi 
tion, que c’eft ellemefmc quinousdonnelegouftdelafolitude. Car 
que fuit-elle tant que la focieté? que cherche-elie tant que fes cou 
dées franches? Il y a dequoy bien & mal faire par tout : Toutefois fi le 
mot de Biaseft vray ,que la pire part c’eft la plus grande, ou ce que 
dit[l’Ecclefîaftique, que de mille il n’cncft pas vn bon i j 
Kari quippe boni numéro vix junt totidem^uot 
Thebarum porta } 'vel diuitis ojlia Nili: 
la contagion eft tres-dangereufe en la preffe. Il Faut ou imiter les vi 
cieux , ou les haïr. Tous les deux font dangereux, & de leur rcflèrn- 
bler, parce qu’ils font beaucoup-, & d’en haïr beaucoup, parce qu’ils 
nous font diffemblalcs. Etles marchands qui vontenmer, ontrai- 
fon de regarder , que ceux qui fe mettent en mefme vaiffeau , ne 
foientdiffolus, blafphemateurs, mefehans; eftimans telle focieté in 
fortunée. Parquoy B ias plaifammcnt, à ceux qui paffoient auec luy le 
danger d’vnc grande tourmente, &appclloient le fecours des Dieux: 
Taifez-vous, dit-il, qu’ils ne Tentent point que vous foyez icy auec 
moy. Etd’vn plus preffant exemple, Albuiquerque Viceroy en l’Inde 
pour Emanüel Roy de Portugal, en vn extrême péril de fortune de 
mer, print fur fes efpaulcs vn icune garçon pour cette feule En, qu’en 
la focieté de leur péril. Ion innocence luy feruift de garant, &de re 
commandation enuers la faueur diurne, pour le mettre à bord. Ce 
n’eft pas que le Sage nepuiffe par tout viurc content, voire & feul, en 
la foule d’vn palais : mais s’il eft à choifir , il en fuira, dit l’Efco- 
le , mefm.es laveue : Il portera s’il eft befoin cela , mais s’il eft en 
luy, il efliracecy. Il ne luy fcmble point fuffifammét s’eftre défait des 
vices, s’il faut encores qu’il contefteauec ceux d’autruy. Charondas 
chaftioit pour mauuais,ceux qui eftoient conuaincus de hanter mau- 
uaifecompagnie.il n’eft rie fi diffociable &fociablequel’hôme;l’vn 
par fon vice,l’autre par fa nature. Et Antifthenesneme lemblc auoir 
fadsfait à. celuy qui luy reprochoitfaconuerfanonauec les mefehas, 
O 
^Amhkiûn ennemie 
de la focieté. 
Bons en petit nohre. 
Parce qüe les gens de 
bien, font prefque auflî 
rares de nombre, que 
les portes de Tbcbcs, 
ou les bouches du riche 
Ntl. Ihu. Sat.ij, 
Société' des mefehas 
infortunée. 
Le fao-e peUt par tout 
'yiure content. 
Conmfatio auec les 
m ef:hans da^ereufe.
	        
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