158 ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE,
Varne, (laquelle
s'employé j eft tout.
La raiTon Si la pru
dence, emportent les
foucis de l’aine, & non
Je feiour de ton beau
Palais , qui s'efleue fur
lebord de la mer , arbi
tre de fa vafte cfleuduë.
Uornt.l. t.Efiiï.
L’aigre foucy fc iette
en troulle , Derrière
l’homme'de chenal.
Hcrat.l.j .
Lafobtude ne non 5
démçjle des Aces.
Toufionrs le traiU
meunier en Ion flanc
cft planté. Æniid. I.
Pourquoy cherchons-
nous de chagcr nos ter
res, a celles qu’vn autre
Soleil efehauffe ; qui
s’eft limais peu bannir
de foy--incline, pour
s'eftre banny de fon
pays.' Horat.l.i,
Similitude.
Si tu dis, i’ay rompu
mon lien: la chienne en
limitant emporte fon
attache 5 mais fuyante
neanmjoins,eHe traif-
ne au col vue longue
cordée de la chaifne.
Pet/. Sat. s.
Si l ame h'eft reigléc,
quels combats & quels
périls,nous fufcite-elle
malgré nos refiftances?
quel trcnchant foucy
des acres cupidi:cz,aef-
chirc l’homme plein de
flebureufe agitation?
quelles craintes apres ?
quels grands défailles
font tous les iours écla
ter l'in lolcce, la fu per
te Sc leslklei voluptcz?
quel mal ne fait le luxe
Si l’oyflucfaineaatife?
lucret. l.j, ,
en difant ;.que les Médecins viuent bien entre les malades. Car s’ils
feruenta la Tancé des malades, ils détériorent la leur, parla contagion,
la veüe continuelle, & pratique des maladies. Or la fin, cXcfois-ic, en
eft toute vne, d’en viure plus à loifir &c à fon aife. Mais onVçn cher
che pas touftours bien le chemin : Souuent on penfeauoir quitté les
affaires,on ne les a que changez. Il n’y a guère moins de tourment au
gouuernement d’vne famille que d’vn eftat entier : Où que l’ame^bit
empefchée,elley eft toute : Et pour cftrc les occupations domciiL,
ques moins importantes,elles n’en font pas moins importunes. Day
uantage , pour nous eftre défaits de la Cour & du marché, nous ne'
femmes pas défaits des principaux tourmens de noftre vie.
ratio & prudentiel curas 3
Non locus ejfiüfi date maris arbiter aufiert.
L’ambition, 1 auarice,l’irrefolution, la peur & les concupifcences, ne
nous abandonnent point pour changer de contrée ;
Etpojl equitem fiedet atra cura.
Elles nous fuiuentfouuentiufquesdansles cioiftrcs, & dans les efeo-
les dePhilofophie.Ny les deferts, ny les rochers creufez, ny la haire,
ny les ieufnes, ne nous en dcmcflent :
— hceret lateri lethalis arundo.
On difoit à Socrates, quequelqu’vn ne s’eftoit aucunement amende
en fon voyage : le croy bien, dit-il, il s’eftoit emporté auecques foy.
Quul terras alio calentes
Sole mutamus ? p a tria quis exul
Se quoque fiugitf
Si on ne defeharge premièrement foy & fon ame, du faix qui la pref-
fe,leremu‘ëment la fera fouler dauantage ; comme en vn nauire, les
charges empefehent moins,quand elles font rallifes : Vous faites plüs
de mal que de bien au malade de iuy faire changer de place. V ous en
fichez le mal en le remuant : comme les pals s’enfoncent plus auant,
& saffermiffent en les branllanc &fecoüant. Parquoy ce n’eft pas af-
fez de s’eftre efearté du peuple > ce n’eft pas allez de changer de place,il :
fe faut efcarcer des conditions populaires, qui font en nous ; il le faut
fequeftrer&r’auoirdefoy.
• rupi iam r vmcula 3 dicas,
Nam lufîata canis nodum arripit, attamen tlla
Cnm fugit, à collo trahiturpars longa caterne.
N ous emportons nos fers quand & nous : Ce n’eft pas vne entière li
berté, nous tournons encore laveue vers ce que nous auons lailfé:
nous en auons lafancaifte pleine.
Ni fi purgatum efipeélus 3 quœ preelia nohis
Atque pericula tune ingratis infinuandum ?
Quant ce conjcindunt hominem cuppcdinis acres
Soliicitum curœ, quantiqueperinde timorés?
■ Qmcl-ue juperbia 3 fiurcitia^ acpetulantia 3 quantas
Mjficiunt ciades, quul luxas dcfidiejque f