Full text: Les essais de Michel, Seigneur de Montaigne

LIVRE PREMIER. 1 ij$ 
Z'amerendnoflre 
bien çÿ- nojire maU 
Blafrnons en noftre et 
prit qui tient toufiours 
afôy. Haut.I. .. e.pij}. 
Solitude l’faje 3 
quelle* 
Confiance eft aff.i - 
bhon. 
Noftre mal nous tient en lame: or elle ne fepeut cfchappcraellc- 
mefme : 
In culpa eft animus , qui r c non ejfugit 'vncjUar/i* 
Âinfi il la faut ramener & retirer en loy : Ceft la vrayefolitude, Si 
qui fe petit ioüir au milieu des villes & des Cours des Roys^ mais elle 
le ioüit plus commodément à part. Or puis que nous entreprenons 
de viure feuls, & de nous palier de compagnie , faifons que noftre 
contentement dépende de nous : Déprenons-nous de toutes les liai— 
fons qui nous attachent à autiruy : Gaignons fur nous, de pou- 
uoir à bon efeient viure feuls , Si y viure à noftre aifc. Snlpon 
eftant efehappé de l’èmbrafement de fa ville, où il auoit perdu 
femme,enfans 6c cheüance, DemetriüS Poliorcêtes, le voyant en vne 
£ grande ruine de fa patrie, le vifage non effray é,luy demanda sil n’a- 
uoit pas eudu dommage* il refpondit que non,& qu’il n’y auoit Dieu 
mercyrienperduduficn.C’eftcequelePhilôfophe Antifthenes di- 
foitplaifarnmcntjQue l’homme fedeuoitpouruoir de munitions qui 
fiottalfent fur l’eau. Si peulfcnt à nage auec luy efehapper du naufra 
ge. Certes l’homme d’entendement n’a rien perdu, s’il a foy-mefmc. 
Quand la ville de Noie fut ruinée par les Barbares , Paulinusquicn 
cftoit Eucfque > y ayant tout perdu, 6c reftant leur prifonnier, prioit 
ainfi Dieu : Seigneur garde-moy de fentir cette perte : car tu fçais 
qu’ils n’ont encore rien touché de ce qui eft à moy. Les richelfes qui 
le faifoient riche,6c les biens qui le faifôientbon, eftoitnt encore 
en leur entier. Voila que ceft de bien choilir les threfors qui fepuif- chirde mtewwret, 
fent affranchir de l’inmrc : & de les cacher enlicu,où perfonne n’aille, 
& lequel ne puiffe eftte trahi que par nous-mefmes.' Il faut auou* 
femmes, enfans^ biens, & fur tout de la faute, quipeut* mais non pas 
s’y attacher en maniéré que noftre heur en defpende. Il le fautrefer- 
ucr vne arriéré boutique, toute noftre, toute franche, en laquelle 
nous eftabliflios noftre vraye liberté & principale retraite & folitu- 
de. Encette-cy faut-il prendre noftre ordinaire entretien, de nous 
à nous-mefmes, & fi ptiué, que nulle accointance ou communica 
tion de chofe eftrangerc n’y trouüe place : y difcoürir & y rire, com 
me fans femme, fans enfans, 6c fans biens, fans train, 6c fans valets i 
afin que quand l’occafonaduiendra de leur perte, il ne nous foitpas 
nouueau de nous en paffer. Nous auons vne amc contournable en Jmè conhwniüê 
foy~mefme:elle fe peut faire compagnie, elle a dequoy aïïàillir & de- enfqy-mejme, 
quoy défendre, dequoy rcceuoir , & dequoy donner : ne craignons 
pas en cette folitude > nous croupir d’oiliuc té ennuyeufe. 
In Jolis fis tiht turbot lacis ; 
Laver tu fe contente de loy : fans difeipline, fans paroles, fans cffeéls. 
En nos actions acCouftumées* de mille il n’en eft pas vne qui nous re- Vertu contente Sel 
garde. Celuy que tu vois grimpant contremont les ruines de ce mur, k-mefine* 
furieux dehors de foy, en bute de tant de harquebuzades : deeétau- 
tre tout cicatrice, tranfi & pâlie de faim , délibéré de crcuer pluftoft 
O ij 
Am fblitaires lieux 
cherche troupe e u toy- 
mefroCirih .vel Cropetf.
	        
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