LIVRE PREMIER.’ ïti
£tion & volonté délicate, & qui rie s’affcruit & ne s’employa pas ay-
fément,defquels le fuis, &par naturelle condition & par difeours j
ils fe plieront mieux à ce confeil, que les âmes a&iues tk occupées, qui
embralTent tout, & s’engagent par tout, qui fe paffionnent de toutes
chofes, qui s’offrent, qui fe prefentent, & qui fe donnent à toutes oc-
caEons. Il fe faut fcruir de ces commoditez accidentales ôe hors de
nous, entant qu’elles nous (ont piaffantes ; mais fans en faire noftrc
principal fondement: Ce ne l’eft pas ,ny laraifon, ny lanaturene le
veulent: Pourquoy contre Tes loixafleruiros-nous noftre contente
ment à la puiffance d’autruy ? D’anticiper aulli lesaccidens de fortu
ne, fepriucr des commoditez qui nous font en main, comme plu-
iîeurs ont fait par deuotion, & quelques Philofophes par difeours, fe
feruir foy-meimes, coucher fur la dure, fecreuer les yeux, ictterfes
richeffes emmy la nuiere, rechercher la douleur j ceux-là, pour par le
tourment de cette vie, en acquérir la béatitude d’vne autre j ceux-cy,
pour s’eftans logez en la plus baffe marche, fe mettre en feùrctéde
nouuelkchcutc, c’eft fadtion d’vne vertu excelhue. Les natures plus
roides & plus for tes faccnt leur cachette mefme,glorieufe & exem«
plaire.
tu ta & parmla laudo,
/ Cum m deficiunt 3 fatis inter 'uilia fortis:
Jferum njhi cjuid melius confinait & “vnétius , idem
Hos faperc, (Sf foies aio benè 'viuere , quorum
Confpiatur nitidis fundatapétunia 'viliis,
Il y a pour moy affez à faire fans aller fi aUanc. Il mefuffitfousla
faneur de la fortune, de me préparer à fa défaucur \&c me reprefenter
eftant à mon aife, le mal à venir, autant que l’imagination y peut at
teindre: tout ainh que nous nous accouifumons aux iouftes & tour
nois, & contrefaifons la guerre en pleine paix. len’eftime point Ar-
cefüaus le Philofophc moins reformé, pour fçauoirqu’ilvfoitd’v-
tenhlcs d’or & d’argent, félon que la condition de fa fortuneleluy
f >ermettoit : & l’eftime mieux, de ce qu’il en vfoitmodérémentôc
iberalemenc, que s’il s’en fuit démis. le voy iufques à quels limites va
la neceffité naturelle : ôc confiderant lepauurc mendiantàma por
te, fouuent plus cnioüé & plus fain que moy, ic me plante en fa place:
i’effaye de chauffer mon ame à fon biais. Et courant ainh par les au
tres exemples, quoy que ic penfe lamort,lapauureté, le melons, &
la maladie à mes talonsjie me refous aifément de n’entrer en effroy,de
ce qu’vn moindre que moy prend auec telle patience: Et ne veux croi
re que la baffeffede l’entendement piaffe plus que la vigueur, ou que
les effedts du difeours ,ne puiffent arriuer aux effedts de i’accou-
ffumancc. Et cognoiffapt combien ces commoditez acceffoires
tiennent à peu , te ne laiffe pas en pleine iouyffancc , de fuppiicr
Dieu pour ma fouueraine requelle , qu’il me rende content dé
moy-mefme, &c des biens qui naiflent demoy. le voy deieunes hoir*-
O iij
^fmes aBtuci &
occtifées.
Siens de fortmt
mcjpnje^
l’aymcde petits bien*,
mais afl'curcz : & s'ils
venoient a manquer , ie
Yiuiois confiant en la
pauurcté: toutesiois s’il
m attittc ic ne fcay quoy
de plus gras & plantu
reux ; ie dis, que cctuy-
là tout fcul, cfl &gc <5c
bien inllruiâ à viure,
qui triomphant de la
nchcllc l’eftalc & I*
fonde en belles maifons
de plaifance, Horat.L11.
kfiji.
Vtenfiles d’or &
d’aro-ent d'^drecfi
lant.
Ne cep te' naturelle
& jes limites.