Full text: Les essais de Michel, Seigneur de Montaigne

ÏCî. ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE, 
Occupation de la yie 
folitaire, quelle. 
Soufmets â. tey'lacho- 
fe, & non toy incline à 
cile.Ho'at. ep.,. 
Mefnageritj office 
fertul. 
Le bcftail mangea les 
bleds & les vignes du 
fige Dcmocritc, tandis 
que l’elprit cfcartc du 
corps pcregriuoit d’vn 
vol leger. Idem Epijt. 12. 
Solitude & retrai- 
6te d’affaires pub h - 
que s j a cjuoydoit 
ejlre employée. 
Lefcauoir donc n’cft 
rien pour toy: Si quel- 
qu’vn ne feait que tu 
[cadrcsî Bcrj.Sm.t. 
Solitude recherchée 
pardeuotun 3 quelle 3 
Or fies fins. 
mes gaillards, qui portent nonobftant dans leurs coffres, vne maffe 
dcpîllulcs, pour s’en feruir quand le rhume les preffera ; lequehils 
craignent d’autant moins, qu’ils en penfent auoirle remedeen main. 
A.iniî faut-il faire : Et encore fi on le fent fujet a quelque maladie 
plus forte, fe garnir de ces medicamens qui affouppiffent & endor 
ment la partie. L’occupation qu’il faut choifir à vne telle vie, ce doit 
eftre vnc occupation non pénible ny ennuieufe ; autrement pour 
néant ferions-nous eftat d’y cidre venus chercher iefejour. Cela dé 
pend du gouft particulier d’vn chacun ; Le mien ne s’accommode au 
cunement au mefnage. Ceux qui l’ayment, ils s’y doutent adonner 
auec modération : 
Conenturfihi rte 3 non fe Juhmitterc rebus. 
C’elf autrement vn office feruiie que la mefnageric, comme le nom 
me Salufte : Elle a des parties plus excufables,comme le foin des iardi- 
nages,que Xenophonattribue a Cyrus:Etfe peut trouuer vn moyen 
entre ce bas & vil foin, tendu &plein deiolicitude, qu’onvoitaux 
hommes qui s’y plongent du tout; & cette profonde 6c extremenon 
chalance , îaiffmt tou t aller à rabandon,qu’on void en d’autres : 
Democriti pecus edit âge H os 
Cultdcjue clum peregre cjl ammus fine cor fore r uelox. 
Mais oyons le conleil que donne le ieune Pline à Cornélius Rufus 
fonamy,lur ce propos de lafolitude: le te confeille en cette pleine 
6c grade retraite où tu és,de quitter à tes gens ce bas 6c abiedt foin du 
mefnage,&t’addonner àl’eftudedes Lettres, pour en tirer quelque 
chofe qui foit toute tienne.Il entend la réputation: d’vne pareille hu 
meur à celle de Cicero, qui dit vouloir employer (a fofttude 6c feiour 
des affaires publiques,a s’en acquérir par fes écrits vne vie immortelle. 
*— 'vfcjue adeo ne. 
Scire tuum riihïl eji 3 mf te feire hoc feiat alter? 
Il Tenable que ce Toit raifon, puis qu’on parle de fe retirer du monde, 
qu’on regarde hors de luy. Ceux- cy ne le font qu’à demy. Ils dreffent 
bien leur partie, pour quand ils n’y feront plus : mais le fruidt de leur 
deffein, ils prétendent le tirer encore lors du monde, abfcns, par vne 
ridicule contradidtion. L’imagination de ceux qui par deuotion, 
cherchent lafolitude, rempliflans leur courage, delà certitude des 
promeffesdiuines en l’autre vie, eft bien plus lainement affortie. Ils 
iepropofent Dieu, objedtinfiny en bonté & en puiffance. L’ame a 
dequoy y raffafier Tes defirs en toute liberté. Lesaffhdtions, les dou 
leurs, leur viennent à profit, employées à l’acqueft d’vne fanté 6c ref- 
ioüiffanceeternelie. La mort, à fouhait : pafiageàvnfi parfaiôf eftat. 
L’afpreté de leurs réglés eft incontinent applanie par l’accouftuman- 
ce : 6c les appétits charnels,rebutez 6c endormis par leur refus:car rien 
ne les entretient quel’vfage 6c l’exercice. Cette feule fin, d’vne autre 
vie heureufement immortelle, mente loyalement que nous aban 
donnions les commoditsz 6c douceurs de cette vie noftre.Et qui peut
	        
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