Full text: Les essais de Michel, Seigneur de Montaigne

LIVRE PREMIER- 189 
Si ventrï bene 3 f lateri eft pedihüfque mis , rid 
Diuitiœ poterunt régalés addere mains. 
il voit que ce n’eftquc biffe & piperie. Oüyà l’aducnturc il fera de 
i’aduis du Roy Seleucus, Que qui fçauroit iepoids dvn Sceptre, ne 
daigneroit l’amaffcr quand il le trouucroit à terre : U le difoit pour les 
grandes & pénibles charges,qui touchent vn bon Roy. Certes ce 
neft pas peu dcchofe que d’auoir à régler autruy, puis qu’à régler 
nous-meimes,il feprefentetantdedifficultez. Quant au comman 
der , qui femblc eftrc fi doux : confidcrant l’imbécillité du iugcmcnc 
humain, & la difficulté du choix es chofcs nouucllcs & doutcules ; ie 
fuis fort de cét aduis, qu’il eft bien plus aifé & plus plaifant de fuiurc, 
que de guider : de que c’eft vn grand feiour d’efprit de n’auoir à tenir 
qu’vnc voye tracée, & à refpondre que de foy ; 
Vt fatius multo iam fit,parère quiet um } 
Quam regere ïmperio res velle. 
loint que Cyrus difoit, qu’il n’appartenoit pas de commâdcr à hom 
me , qui ne vaille mieux que ceux à qui il commande. Mais le Roy 
Hieron enXenophon ditdauantage; qu’àlaiouïffancedcs voluptez 
mefmes,ils fontde pire condition que les priuez: dautantquei’ai- 
fance de la facilité leur ofte l’aigre-douce pointe que nous y trou- 
uons. 
Pinguis arnor nimïürnque potens 3 in tædia nohis 
Vertïtur 3 & ftomacho dulcis vt ejea nocct. 
Pcnfons-nous que les enfans de choeur prennent grand plaifir à la 
mufique? La fatieté la leur rend pluftoft ennuyeufe. Lesfcftins,lcs 
danfes, les mafquarades, les tournois, refiouïffent ceux qui ne les 
voyent pas fouuent,&: qui ontdefirédc lesvoir:mais à qui en fait 
ordinaire, le gouft endeuient fade & mal plaifant :ny les Dames ne 
chatouillent celuy qui en iouït à cœur faoul. Qui ne fc donne loifîr 
d’auoirfoif,nc fçauroit prendre plaifir à boire. Les farces des bate 
leurs nous refiouïffent, mais aux ioüeurs elles feruent de coruée. Et 
qu’il foitainfijCe font delices aux Princes, ceft leur fefte, de fc pou- 
uoir quelquefois traueftir, de démettre à la façon de yiure bafîè de 
populaire. 
Plerumcpue gratœ principihus vices 3 
JMundæqucparuo ftub lare pauperum 
Ccena Jine aulœis (ftf oftro, 
Sollicitam cxplicuere jrontem. 
il n’eft rien fi empefehant, fi defgoufté que l’abondance. Quel appé 
tit ne fe rebuter oit, à voir trois cens femmes à fa mcrcy, comme les a 
le grand Seigneur en fon Serrail ? Et quel appétit ôzvifage de chaffe, 
s cftoit referué celuy de fesanceftres, qui n’alloit iamaisaux champs, 
a moins de fept mille fauconniers? Et outre cela,ie croy que ce luftre 
de Grandeur apporte non legeres incommoditez à la iouïffance des 
plaifirs plus doux; ils font trop cfdairez de trop en butte. Et iençj 
Si ton flanc,fi ton ven 
tre & fi tes pieds fe por„ 
tent bien, les richelTcs 
royales ne te peuucnc 
adiolifter rie de mieux, 
Horat. /. i. efift. 
Sceptre de grand 
poids. 
Charges tfyn bon 
Roy j grandes & 
pénibles„ 
En forte qu’il vaut 
mieux tranquillement 
obeïr,que de comman 
der & gouucrner les 
affaire». Lucr. I. i. 
Roys de pire condi 
tion que les priuez^, 
à latotiijjdnce mef- 
tne desholupte^. 
L’amour à l’engrez Se. 
qui fc void en trop 
plaine & paifiblc iouif- 
lance, nous deuient fa • 
de, nous foufleuant le 
caur comme feroit ru 
morceau trop doux, 
O nid. Amer. I, a. 
Similitude. 
Parfois Je châge plaift 
aux Princes : & les re 
pas prins Amplement, 
farts pourpre Sc faut ri 
ches tapis, en la petite 
maifon d vn pauurc,ef- 
panouïflent les rides 
d’vn front foucieux. 
HorM.l.i. 
L’abondance em- 
pefche & degoujle.
	        
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