LIVRE PREMIER. ««
tn Ton foyer, & fçait conduire fa maifon fans querelle, & fans pro
cès il eft auffi libre que le Duc de Venife. Paucos firuim y plures jerui-
memtenent. Mais fur tout Hieron fait cas, dequoy il fc void priuc de
conte amitié &focieté mutuelle: en laquelle confifte le plus parfait
&doux fruiddc la vie humaine. Car quel tcfmoignage d’aftcdion
&de bonne volonté, puis-ie tirer de celuy qui me doit, vueillc-il ou
non,tout ce qu’il peut? Puis-ie faire cftat de fon humble parler &
courtoifereueréce,veu qu’il n’eft pas enluy de me les refufer? L’hon
neur que nous recelions de ceux qui nous craignent, ce n’eft pas hon
neur : ces refpeéts fc doiuent à la Royauté, non à moy.
« -,maximum hoc repni honum ejl y
Quodjafla domini cojiturpopulus fui
Quant j'erre, tam laudare.
Vois-ie pas que le mefehant, le bon Roy, celuy qu’on haït, celuy
qu’on ayme,autant enal’vnque l’autre: de melmes apparences,de
mefme ceremonie, cftoit feruy mon predeceifeur, éc le fera mon
fucceifeur: Si mes fubjets ne m’offencent,ce n’eft pas vn tefmoi-
gnage d’aucune bonne affection : pourquoy leprendray-ie en cette
part-là, puisqu’ils ne pourroient quand ils voudroient? Nul ne me
fuit pour l’amitié, quifoit entreluy & moy :car il ne fefçauroit cou
dre d’ami tié,où il y a fi peu de relation ôc de correfpondance.Ma hau-^
teur m’a mis hors du commerce des hommes : il y a trop de difparitc
& de difpropoiftion : Ils me 1 uiuent par contenance & par couftume,
ou pluftoft que moy ma fortune, pour en accroiftre la leur : T ont ce
qu’ils me difent, & font, ce n eft que fard, leur liberté eftant.bridée
de toutes parts par la grande puiffance que i’ay fur eux : ie ne voy rien
autour de moy que couuert &: mafqué. Ses courtifans loiioient vn
iour Iulian l’Empereur défaire bonneiuftice:Ie m’cnorgueillirois
volontiers, dit-il, de ces loüanges, fi elles venoient de perfonnes, qui
ofaftènt accufer ou mefloüer mes actions contraires, quand elles y
feroient. Toutes les vrayes commoditez qu’ont les Princes, leur font
communes auec les hommes de moyenne fortune : C’eft à faire aux
Dieux, de monter des cheuaux aillez,&fe paiftre d’ambrofie : mais
eux ils n’ont point d’autre fommeil & d’autre appétit que le noftre:
leur acier n’eft pas de meilleure trempe, que celuy dequoy nous nous
armons : leur Couronne ne les couure ny du Soleil, ny de la pluye.
Dioclctian qui en portoit vne fi reucrée & fi fortunée , la refigna
pour fc retirer auplaifird’vnevicpriuée: & quelque temps apres, la
neceiütédes affaires publiques, requérant qu’il reuinten prendre la
charge, il refpondit à ceux qui l’en prioient : Vous n’entreprendriez
pas de me perfuader cela, fi vous auiez veu le bel ordre des arbres,
que i’ay moy-mefme plantez chez moy, & les beaux melons que i’y
ayfemez. A i’aduis d’Anacharfis le plus heureux eftatd’vnepolice,
icroit ou toutes autres chofcs eftans cfgales, lapreccdence fe mefure-
roit a la vertu,& le rebut au vice. Quand le Roy Pyrrhus entreprenoit
la feruitude s’emparé
de peu de gens : plu
sieurs s'emparent d el-
Roys priue^de tou
te amitié & focieté
mutuelle.
Refyetts deits À l<t
Royauté, non aux
Roys.
C eft vn grand bien,
en la Monarchie, que
les Peuples font forcez
de fouffrir & louer en-
fcmblc les aûions de
leur maiftre. sm.Thye,
ait. 2,
Commodité^ des
Princes communes
aux hommes de
moyenne fortune.
Dioclctian retiré
au plaiftr d’hne hie
prtuée.
Ejlat le plus heu
reux d’hne police.
Ambition haine de
Pyrrhus*