Full text: Les essais de Michel, Seigneur de Montaigne

LIVRE PREMIE R> m 
q U ’vn chacun fuft à peu près veftu de mefme, fi auoit-il d’ailleurs 
ailez de diftinClions apparentes, des qualitez des homm«s. Coin- 
bien foüdainement viennent en honneur parmy nos armées , les 
pourpoints Crafleux de chamois Sz de toilie : &lapolliffeure & ri- 
chcflc des vcftcmcns, à reproche & à mefpris ? Que les Roys com 
mencent à quitter ces defpcnfes, ce fera fait en vn mois fans EftiCt 
& fans ordonnance : nous irons tous apres. La ioy deuroit dire au 
rebours ; Que le cramoify & l’orfeuerie eft defenduë à toute efpcce 
de gens, fauf aux baftelcurs & aux courtifanes. De pareille inuention 
corrigea Zelcücus j les mœurs corrompues des Locriens : Sesordon- Loi*de Zeleücm 
nances cftoient telles : Que la femme de condition libre , ne puifle $ 0w corriger U [om~ 
mener apres elle plus d’vne chambrière , finonlors qu’elle fera yure ; ^ U ° ‘ 
ny ne puilfe for tir hors la ville de nuidt, n y porter loyaux d’or à l’en 
tour de fa perfonne, ny robbe enrichie de broderie, fi elle n eft publi 
que & putain : que fauf les ruffiens, à homme ne foit permis porter en 
fon doigt anneau d’or, ny robbe délicate , comme font celles des 
draps tiftus en la ville de Milet, Et ainfi par ces exceptions honteufes, 
ildmertifToitingenicufement ces Citoyens des fuperfluitez Sz déli 
ces pernicieufes. C’eftoit vne tres-vtile maniéré d’attirer par hon 
neur & ambition, les hommes à leurdeuoir & à Pobeïlfance. Nos 
_ u r ■ i i- Ce «tic font les Prîn- 
Royspeuuelit tout en telles reformations externes : leur inclination ces.iisfernbient iccon». 
y fert de loy. Quiccjiiid principe s faciunt>prœcipere 'videntur. Le refte de la ■ 
Fracc prend pour régie la réglé de Là Cour.Qu’ils fc déplaifent de cet- % [ e j € i a c ow ,fert 
te vilaine chauflure,qui monftrc fi à defcouucrt nospiébres occultes: den?lt aurejle de U 
qu’ils méprifent ce lourd grolfilTemcnt de pourpoints 3 qui nous fait France. 
tous autres que nous ne fommes,fi incommode à s’armer: ces lon 
gues treffes de poil eftcminées:cét vfage de baifence que nous prefen- 
tons à nos compagnons,&: nos mains en les falüant : cetemonie deué 
autrefois aux feuls Princes ; &z qu’vn gentil-homme fettouue en lieu 
de refpcdtjfans efpéc à fon cofté,tout elbraillc & deftaché,com me s’il 
venoit de la garderobbë: & que contre la forme de nos peres,& la par 
ticulière liberté de la Noblefle de ce Royaume, nous nous renions 
defcouuerts bien loin autour d’eux en quelques lieux qu ils foient, 
& comme autour d’eux,autour de cent autres,tant nous auons de tier 
celets &quarcelets de Roys : &z ainfi d’autres pareilles introductions 
nouuclies & vicieufcs : elles feverront incontinent efuanouïes &def~ 
criées. Ce font erreurs fuperficiclles, mais pourtant de mauuaispro- 
gnoftique : &z femmes aduercis que le mafiiffe defment;, quand nous 
voyons fendiller l’enduid,& la croufte de nos parois, Platon en fes 
loix , n’eftime pefte au monde plus dommageable à fa Cité, que de Womelleté tns~ad~ 
laijfTcr prendre liberté à la icunc fie, de changer en accouftrcmens,en ctiatl1 *‘ 
geils, en danfes, en exercices & en chantons , d’vne forme à vue 
autre : remüant fon iugement,tantoft en cette afliettc,tantoft en cet- 
te-ia : courant apres les nouuellctcz, honorant leurs inuentenrs: par 
ou les mœurs fe corrompent, & les anciennes inftkutions viennent à
	        
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