Full text: Les essais de Michel, Seigneur de Montaigne

LIVRE SECOND. 47i 
qui affoibliffoicnt leur éloquence. Mon langage François eft altéré, 
& en la prononciation & ailleurs, par la barbarie de moncreu. lene 
vis iamais homme des contrées de deçà, qui ne fentift bien euidem- 
nient Ton ramage, & qui ne bleffaft les oreilles qui font pures Fran- 
çoifes. Si n’eft-ce pas pour eftre fort entendu en mon Perigourdin ; Langage Verigow- 
car ic n’en ay non plus d’vlage que de FAlemand ; & ne m’en fonde dm. 
(Tucres. C’elf vn langage, comme font autour de moy d’vnc bande &c 
d’autre, le Poiteum, Xaintongeois, Angoulcmoifin, Lymofm, Au- 
uergnat; brode,traînant, esfoiré. Il y abienauddfusde nous,vers les 
montagnes, vn Galcon, que ie trcuue lingulierement beau, fec, bref, Langage Cafcon. 
fignifiant, & à la vérité vn langage malle militaire, plus qu’aucun 
autre, que l’entende ; Autant nerucux,&f puiffant, & pertinent, com 
me le François eft gracieux, délicat, & abondant. Quant au Latin, qui Langage François. 
m’a elfe donné pour maternel,i’ay perdu par def-accouftumancc la 
promptitude de m’en pouuoir leruir à parler: Oüy, &à clcrire,en 
quoy autrefois ie me faifoy appeller mailf re lean.Voila combien peu 
ievaux de ce cofté-là. La beauté elf vne pièce de grande recommen- Beauté, pièce de 
dation au commerce des hommes : C’eft le premier moyen de conci- grande recomman 
dation desvns auxautres; & n’eft homme ü barbarc& li rechigné, dation au commerce 
qui ne fe fente aucunemét frappé de fa douceur. Le corps a vne grand’ es 
part à noftre elfre, il y tient vn grand rang : ainh fa ftruéfure & com- 
pofition font de bieniulf e conftdcration. Ceux qui veulent defpren- 
dre nos deux pièces principales, & les fequelfrer l’vnede l’autre, ils 
ont tort: Au rebours,il les fautr’accoupler&moindre: Il faut or 
donner a lame, non de fe tirer à quartier, de s’entretenir à part,de 
mefprifer &c abandonner le corps(auffi ne le fcauroimelle faire que 
par quelque lingerie contrefaite) mais de fe r’allier a luy, de l’embraf- L'ame doit s allier 
fer ,1c chérir, luy alfilfcr, lé contrerollcr, le confeiller, le rcdrclfer, & au corps.gr luy fer- 
ramener quand il fouruoye; l’cfpoufer en fomme,& luy feruir de Mr ^ e mary ' 
mary: a ce que leurs effets ne parodient pas diuers& contraires, ains 
accordans <Se vniformes. Les Chrcftiens ont vne particulière inftru- 
étion de cette liaifon,car ils fçaucnt,que laiulficediuinecmbralTe 
cette focieté &iointurc du corps & del’amc,iufqucs à rendre le corps Corps capables de 
capable des recompenfcs éternelles: Et que Dieu regarde agir tout recompenfes eter- 
l’homme,.& veut qu’entier il reçoiue le chalfiement, ou le loyer, fe- ne ^ es ' 
Ion fes démérites. La fe£bc Peripatetique, de toutes feéfes la plus fo- 
ciable, attribue à la (ageffe ce feul foin, de pouruoir tk procurer en 
commun, le bien de ces deux parties affociées: Et montre les autres Bien du corps &• 
iedes , pournes’eftre allez attachées à la confidera-tion de ce mellan- de l’ame.procuréen 
gèjs’clfrepartialilées, cettc-cy pour le corps, cette autre pour l’amc, commm p a rles fa- 
d’vne pareille erreur: &auoir efcartéleur fujet, qui eft l’homme j &c & tS ’ 
Beauté\ premier ad- 
uantage cjui donna 
f , - . - .la preemmence au.c 
Semblable que cefutl’aduantagcde labeauté. >»/fur les autres. 
Rr ij 
leur guide, qu’ils aduoüent en general eftre nature. La première di 
finition,qui ayeefté entre les hommes,&la premièreconfidera 
don, qui donna les prééminences aux vns fur les autres, il eftvrav-
	        
Waiting...

Note to user

Dear user,

In response to current developments in the web technology used by the Goobi viewer, the software no longer supports your browser.

Please use one of the following browsers to display this page correctly.

Thank you.