LIVRE SECOND.
fi vaine fubtilité qui ne m’empcfche : Aux ieux où l’çfprit a fît
part, des échecs, des cartes, des dames, & autres : ie n’y comprens
que les pins grofhers traids. L’apprchcnfion, ic l’ay lente <k em
brouillée: mais ce quelle dent vne fois, elle le tient bien, &d’em-
brafTe bien vniiierfellcmenc, effrontément & profondément, pour
}c temps qu’elle le tient. l’ay la veuë longue , faine &c entière,
mais qui fe laffe aifemenc au trauail, & fe charge : A cette occa-
fion ie ne puis auoir long commerce auec les Liures, que par le
moyen du feruice d’autruy. Le jeune Pline inffmira ceux qui ne
l’ont effayé, combien ce retardement cft important a ceux qufs’a
donnent a cette occupation. Il n’eff point ame fi chctiue & bru
tale, en laquelle on ne voyc reluire quelque faculté particulière:
il n’y en a point de fi enfeuelie , qui ne face vue faillie par qucl-
quebout. Et comment il aduienne qu’vne ame aucugle & endormie à
toutes autres choies, fe trouue viue, claire, & excellente, a certain par
ticulier effet, il s’en faut enquérir aux mailfres : Mais les belles araes,
ce font les âmes vniuerfelles, ouuertes & preftes a tout : fi nonin
fimités , au moins inft ruifibles. Ce que ie dis pour accufer la mienne:
Carfoit par foibleffe ou nonchalance (& de mettre à nonchaloir ce
qui effc à nos pieds, ce que nous auons entre-mains * ce qui regarde de.
plus près l’vfage delà vie ; c’eft chofc bien efloignée de mon dogme )
il n’en cft pointvne h inepte & fi ignorante que la mienne, de pla
ceurs telles chofes vulgaires, & qui ne fe peuuent fans honte ignorer.
Il faut que i’en conte quelques exemples : le fuis né & nourry aux
champs, & parmy le labourage : i’ay des affaires, & du mefnage en
main, depuis que ceux qui me deuancoient en la poffelhon des biens
queie iouys, m’ont quitté leur place. Or ie ne fçay compter ny à get,
ny à plume : la plufpart de nos monnoyes ie ne les cognois pas : ny
ne fqay la différence d’vn grain a l’autre, ny en la terre, ny au gre
nier , fi elle n’eff par trop apparente : ny à peiné celle d’entre les choux
k les laiduës de mon iatdin. le n’entends pas feulement les noms
des premiers outils du mefnage, ny les plus greffiers principes de l'a
griculture , & que les enfans fçauent. Moins aux arts mechaniques,au
trafic,& en la cognoifTancc des marchandifès , diucrfité & nature
defruids , de vins,de viandes :nyadrefter vnoifeau, ny à mede-
cincr vn cheual, ou vn chien. Et puis qu’il me faut faire la honte tou
te entière, il n’y a pas vn mois qu’on me furprint, ignorant dequoy
hleuain feruoit a faire du.pain ; tk que c’eff oit que faire cuucr du vin.
Oncomedura anciennement a Athen.es vne ap titude à la Mathéma
tique, en ccluy a qui on voyoït ingenieufement agencer &: fagotter
vne charge de broffailles. Vrayement on tireroit de moy vne bien
contraire conclufio : car qu’on me donne tout l’appreff d’vue cuifinc,
me voila à la faim. Par ces traits de ma confcflion, on en peut imagi
ner d’autres à mes dcfpens : Mais quel que ie me face cognoiftrc,
pourueu queie me face cognoiftre tel que le fuis, ie fais mon effed.
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Son apprehenfion.
Sa ~ycuh
Mmes les plus che*
tûtes douées de cjuel-
cjue faculté particu~
itéré.
„4mes belles &
ItniMcrfcües.
aptitude rt la Ma*
themattcjue , coûte-
clurée à Athènes.