Full text: Les essais de Michel, Seigneur de Montaigne

LIVRE SECOND, 487 
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trccs, 6c de charges qui dépendent des Liurcs, qu’en nulle autre forte 
Je gens : Ou bien parce que l’on requiert 6c attend plus d’eux , 6C 
qu’on ne peut exeufer en eux les fautes communes ; ou bien que l’o 
pinion du fçauoir leur donne jdus dehardieffe de fe produire, 6c de 
lé defcouurir trop auant, par où ils fc perdent 6c fe trahiffent. Com- Similitude* 
me vnartifantefmoigne bien mieux fa bcftifecnvne riche matière, 
qu’il ait entre mains, s’il l’accommode 6c manie fortement, 6c contre 
les réglés de fon ouuragc, qu’en vue matière vile ; & s’offenfe lonplus 
Ju defaut en vue ftatue d’or qu’en celle qui eft de plaftre. Ccux-cy en 
font autant, lors qu’ils mettent en auant des choies qui d’ellcs-mef- 
mes, & en leur lieu, feroient bonnes: car ils s’en feruent fans difere- 
tion,faifans honneur à leur mémoire, auxdcfpens de leur entende 
ment : & faifans honneur à Cicero, à Galien, à Vlpian & à faind Hie- 
rofmc,pour fe rendre eux-mefmcs ridicules. le retombe volontiers .. . . 
force difeours del’incptie de noftreinftitutio:ElIe a eu pour fa fin, de 
r \ r r ■ r II r . / _11 î a a J cience &* 
nous faire, non bons & lages, niais Içauans : elle y eft arnuee. Elle ne non lai/ertupourfa 
nous a pas appris de fuiure 6c êmbraffer la vertu 6c la prudence : mais fin, 
elle nous en a imprimé la dcriuation& l’etymologie. Nous fçauons 
décliner vertu,fi nous ne fçauons l’ay mer. Sinous ne fçauons que c’eft 
que prudence par efFed 6c par expérience, nous le fçauons par iargon 
& par cœur. De nos voifins, nous ne nous contentons pas d’en fça- 
uoir laracc, les parcntelks,& lesaliances, nous les voulons auoirpour 
amis, &drcflcrauec eux quelque conucrfation 6c intelligence : rou- 
tesfois elle nous a appris les définitions, les diuifîons, 6c partitions de 
la vertu, comme des furnoms 6c branches d’vne généalogie , fans 
auoir autre foing de dre (Ter entre nous 6c elle, quelque pratique de fa 
miliarité 6c priuée accointance. Elle nousachoifi pouf noftreap- 
prentiffagc, non les Liures qui ont les opinions plus faines &plus 
vrayes, mais ceux qui parlent le meilleur Grec & Latin :6c parmy fes 
beaux mots, nous a fait couler en la fantaifîe les plus vaines humeurs . , 
de l’antiquité. Vne bonne inftitution, elle change le iugement &lcs c ]J„J e U [ e ° imeme nt 
mœurs : comme il aduint à Polemon : Ce icunehomme Grec defbau- &if s mœurs. 
ché, qui eftant allé oüir par rencontre, vne Leçon de Xcnocrates, 
ne remarqua pas feulement i’eloquenec 6c lafuftifancc du ledeur, 6c 
n’en rapporta pas feulement en la maifon,la fcience de quelque belle 
matière: mais vn fruid plus apparent 6c plus folide : qui futlcfou- 
dain changement6c amendement de fa première vie. Quia iamais 
fenti vn tel effed de noftrc difeipline ? 
faciafne cjuoà ohm 
Mutât us P olemon, portas injtgnta morhi, 
Fdjciolas cubital 3 jocaha 3 pot us njt lüe 
Dicitur ex collo j-urtim carpjijfe corona& 3 
Pojïcjuam efl impranjt comptas 1>oce maçijîri. 
La moins defdàignablc condition de ge»s, mcfcmble efire, celle qui que l’auftere & Ibbre 
par fimpiefle tient le dernier rang : & nous offrir vn commerce plus ** 
S f hij 
Fcras-tü ce que fit au 
trefois Polemou trans 
formé : quitteras-tu les 
marques de ton mal? 
les doubles chauffes, les 
couffins, les bandages 
de telle & de col ? com 
me on dit,qu'iltira touc 
ynre en cachette , les 
chapelets de fleurs qu'il 
portoit au chef ; alors
	        
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