Full text: Les essais de Michel, Seigneur de Montaigne

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34 ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE, 
Le bœuf pefaitt cher- Optat ephippia hos piger, optât dure Cdhdllus. 
üï lcu?iabo E urct. chc ‘ Par ce train vous ne faites iamais rien qui vaille. Il faut donc trauaiî- 
Horat.efijut. j er c j e re i e ttcr toufiours l’architeéfe, le peintre, le cordonnier, 
ainfi dureftc,chacun à fon gibier. Et à ce propos, à la îeéture des 
hiftoires,quieftlefuiet de toutes gens, i’ay accouftumé de confi- 
derer qui en font les Efcriuains : Si ce font perfonnes, qui ne faccnc 
autre profelfion que de lettres, i’enappren principalement le ftile & 
le langage; fi ce font Médecins, ie les croy plus volontiers en ce 
qu’ils nous difent de la température de l’air,delafanté drcomplexion 
des Princes, des blcffures & maladies; fi lurifconfultes, il en faut 
prendre les controuefes des droiéts,les loix, l’eftabliffement des poli 
ces, & chofes pareilles: fi Théologiens, les affaires de l’Eglife, cen- 
; fures Ecclefiaftiques, difpences & mariages; fi courtifans, les mœurs 
; &les ceremonies: fi gens de guerre, ce qui eft de leur charge, &prin- 
cipalemeut les dedudions des exploits où ils fe font trouuez en per- 
fonne:fi Ambaffadeurs,les menees, intelligences, & praticques, & 
maniéré de les conduire. A cettecaufe, ce que i’euffe paffé à vn autre, 
fans m’y arrefter,iel’ay poifé & remarqué en l’hiftoire du Seigneur 
de Langey, tres-entendu en telles chofes. C’eft qu’apres auoir conté 
ces belles remonftrances del’Empercur Charles cinquiéme,faites au 
confiftoire à Rome, prefent l’Euefque de Maçon, & le Seigneur du 
Velly,nosAmbaffadeursjoùilauoitmelléplufieurs paroles outra- 
geufes contre nous; &c entre autres,que fifesCapitaines &foldats 
n’eftoient d’autre fidelité & fuffifance en l’art militaire, que ceux du 
Roy,tout fur l’heure il s’attacheroit la corde au col,pour luyaller 
demander mifericorde. Et de cecy il femblc qu’il en crcuft quelque 
chofe : car deux ou trois fois en fa vie depuis, il luy aduint de redire 
ces mefmes mots. Aufii qu’il défia le Roy de le combatte en chemifc 
AmhajfAdturs pett- auec l’efpée& le poignard, dans vnbatteau. Ledit Seigneur de Lan-» 
non dific n ^ ur J^ h gey fuiuant fon hiftoire, adioufte que ces mefmes Ambaffadeurs fai- 
doihent faire Iuhy fansvne dépefche auRoy de ces chofes,luy en diflimulerent la plus 
maifire. grande partie,mefmes luycelerent les deux articlesprecedens. Or 
i’ay trouué bien effrange, qu’il fuft en lapuilfance d’vn Ambaffadeur 
de difpenfer fur les aduertiffemens qu’il doit faire à fon Maiftre, 
mefinement de telle confequence, venans de telle perfonne, & apres 
des paroles dites en fi grand’ affcmblée. Et m’euflfemblé l’office du 
feruiteur eftre,de fidèlement reprefenter les chofes en leur entier, 
comme elles font aduenues ; afin que la liberté d’ordonner, iuger, &c 
choifir, demeurait au maiftre. Car de luy altérer ou cacher la vérité, 
de peur qu’il ne la prenne autrement qu’il ne doit, & que cela ne le 
pouffe à quelque mauuais party,& cependant le laiffer ignorant de 
fes affaires, cela m’euft femblé appartenir a celuy qui donne la loy, 
nonaccluy qui la reçoit, au curateur & maiftre d’efchole, non à ce 
luy qui fe doit penfer inferieur, comme en authorité, auffi en pru 
dence ôc bon confeil. Quoy qu’il en foit, ie ne voudroy pas eftre
	        
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