/
ao ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE,
9
\Amntage de là
Grandeur'.
Grandeur ^ipe à
fuir.
Crmdcitr àmbitieu*
fe, me fripe.
turc, ils fe Faifoient porter par les hommes & fur les efpaules. Ce der
nier Roy du Peru, le iour qu’il fut pris, eftoit ainfi porté fur des bran-
cars d’or, & a fils dans ync chaize d’or, au milieu delà bataille. Autant
qu’on tuoit de ces porteurs pour le faire choir à bas, car on le vouloir
prendre vif, autant d’autres, &àl’cnuy, prenoient la place des morts;
de façon qu’on ne le pût onquesabbatre, quelque meurrre 5 cu’on fift
de ces gens-là, iufques à ce qu’vn homme de chenal l’alla faiiir au
corps, & l’aualla par terre.
De l'incommodité de la Grandeur.
Chapitre VII.
Visqve nous ne la pouuOnsaueindre, vengeons-nous
à en mefdire : Si n’efc-ce pas entieremfent mefdire de
quelque chofe, d’y trouuer des defauts :il s’entrouueen
toutes chofes, pour belles & dcfirables qu’elles foient.
clleacéteuidentauantage, qu’elle feraualle quand il luy
plaift, & qu’à peu près, elle a le choix de l’vne & l’autre condition.
Car on ne tombe pas de toute hauteur : il en eh: plus, defquelles on
peut defcédtefanstober. Bien mefemble-il,quecouslafaifonstrop
valoir:& trop valoir auffi la refolution de ceux que nous auons ou ven
ou ouy dire, l’auoir meipriiee, ou s’en cftre définis de leur propre
ddfein. Son effcnce n’elcpasfi cuidemment commode,qu’on nela
puifferefufer fans miracle. le trouue l’effort bien difficile àlafouf-
france des maux, mais au contentement d’vne médiocre mefurede
fortune, &: fuite de la Grandeur, i’y trouue fort peu d’affaire. C’eft
vne vertu, ce me femble, où moy qui ne fuis qu’vn oyfon, arriuerois
fans beaucoup de contention. Que doiuent faire ceux qui mettroienc
encores en confideration, la gloire qui accompagne ce refus, auquel
il peut efehoir plus d’ambition, qu’audefir mefme & iouy ffance delà
Grandeur ? Dautant que l’ambition ne fe conduit iamais mieux félon
foy,que par vnevoyeefgarée «Seinufiréc. l’aiguifemon courage vers
la patience, iel’affoiblis vers le défit. Autant ay-ic à fouhaitter qu’vn
autre, & lai lie à mes fouhaits autant de liberté & d’indilctexion : mais
pourtant,fi ne m’eft- il iamais aduenu de def rcr Empire ny Royauté,
ny l’éminence de ces hautes fortunes &commandereffes. le ne vife
pas de ce colté-ià, ie m’aime trop. Quand ie penfe à croilf re,c’eft baf-
fement, d’vneaccroiffmce contrainte &coüarde, proprement pour
moy ; en refolution,en prudence,en lanté,enbeauté & enricheffe
encore. Mais ce crédit, cette audtorité fi puiffantc, foule mon imagi
nation. Et tout àl’oppofite de rautre,m’aimcroisàl’aduçture mieux,
deuxiefmeoutroifieime à Perigueux,que premier à Paris. Aumoins
fansmentir, mieux troifielme à Pans, que premier en charge. lene ,