Full text: Les essais de Michel, Seigneur de Montaigne

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ao ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE, 
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\Amntage de là 
Grandeur'. 
Grandeur ^ipe à 
fuir. 
Crmdcitr àmbitieu* 
fe, me fripe. 
turc, ils fe Faifoient porter par les hommes & fur les efpaules. Ce der 
nier Roy du Peru, le iour qu’il fut pris, eftoit ainfi porté fur des bran- 
cars d’or, & a fils dans ync chaize d’or, au milieu delà bataille. Autant 
qu’on tuoit de ces porteurs pour le faire choir à bas, car on le vouloir 
prendre vif, autant d’autres, &àl’cnuy, prenoient la place des morts; 
de façon qu’on ne le pût onquesabbatre, quelque meurrre 5 cu’on fift 
de ces gens-là, iufques à ce qu’vn homme de chenal l’alla faiiir au 
corps, & l’aualla par terre. 
De l'incommodité de la Grandeur. 
Chapitre VII. 
Visqve nous ne la pouuOnsaueindre, vengeons-nous 
à en mefdire : Si n’efc-ce pas entieremfent mefdire de 
quelque chofe, d’y trouuer des defauts :il s’entrouueen 
toutes chofes, pour belles & dcfirables qu’elles foient. 
clleacéteuidentauantage, qu’elle feraualle quand il luy 
plaift, & qu’à peu près, elle a le choix de l’vne & l’autre condition. 
Car on ne tombe pas de toute hauteur : il en eh: plus, defquelles on 
peut defcédtefanstober. Bien mefemble-il,quecouslafaifonstrop 
valoir:& trop valoir auffi la refolution de ceux que nous auons ou ven 
ou ouy dire, l’auoir meipriiee, ou s’en cftre définis de leur propre 
ddfein. Son effcnce n’elcpasfi cuidemment commode,qu’on nela 
puifferefufer fans miracle. le trouue l’effort bien difficile àlafouf- 
france des maux, mais au contentement d’vne médiocre mefurede 
fortune, &: fuite de la Grandeur, i’y trouue fort peu d’affaire. C’eft 
vne vertu, ce me femble, où moy qui ne fuis qu’vn oyfon, arriuerois 
fans beaucoup de contention. Que doiuent faire ceux qui mettroienc 
encores en confideration, la gloire qui accompagne ce refus, auquel 
il peut efehoir plus d’ambition, qu’audefir mefme & iouy ffance delà 
Grandeur ? Dautant que l’ambition ne fe conduit iamais mieux félon 
foy,que par vnevoyeefgarée «Seinufiréc. l’aiguifemon courage vers 
la patience, iel’affoiblis vers le défit. Autant ay-ic à fouhaitter qu’vn 
autre, & lai lie à mes fouhaits autant de liberté & d’indilctexion : mais 
pourtant,fi ne m’eft- il iamais aduenu de def rcr Empire ny Royauté, 
ny l’éminence de ces hautes fortunes &commandereffes. le ne vife 
pas de ce colté-ià, ie m’aime trop. Quand ie penfe à croilf re,c’eft baf- 
fement, d’vneaccroiffmce contrainte &coüarde, proprement pour 
moy ; en refolution,en prudence,en lanté,enbeauté & enricheffe 
encore. Mais ce crédit, cette audtorité fi puiffantc, foule mon imagi 
nation. Et tout àl’oppofite de rautre,m’aimcroisàl’aduçture mieux, 
deuxiefmeoutroifieime à Perigueux,que premier à Paris. Aumoins 
fansmentir, mieux troifielme à Pans, que premier en charge. lene ,
	        
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