Î42 essais de psychologie contemporaine
trempé dans de l’encre de Chine...» C’est donc par
des études de peinture que les deux romanciers jnt
débuté; mais, en cela très différents des auteurs
dont je citais les noms, ils n’ont jamais entièrement
abandonné leurs premières études. S’ils n’ont pas
été des artistes proprement dits, l’œuvre d’art n’en
a pas moins continué d’occuper et de préoccuper
leur imagination. La preuve en est dans leur cri
tique, toute consacrée à cette œuvre d’art et qu’ils
ont exécutée, les seuls peut-être parmi les écrivains
de ce genre, à un point de vue non pas de littérateurs,
mais de peintres. Leurs pages sur le XVIII" siècle,
sur Watteau et sur Boucher, sur La Tour et sur
Fragonard, ne renferment ni des aperçus de philo
sophie, à la manière de M. Taine, ni des variations
de prose lyrique, à la manière de Paul de Saint-
Victor. Ce sont des analyses techniques et conscien
cieuses qui supposent un regard d’ouvrier. S’ils
parlent de Chardin, c’est ainsi que le pounait faire
un apprenti peintre extasié devant des procédés s
«Comme il réjouit le regard avec la gaieté de scs
tons, la douceur de ses réveillons, sa belle touche
beurrée, les tournants de son pinceau gras en pleine
pâte, l’agrément de ses harmonies blondes, la cha
leur de ses fonds, l’éclat de ses blancs glacés de
soleil, qui semblent dans ses tableaux les reposoirs
de la lumière!...» Et sur le divin Watteau, quelles
phrases dont on dirait qu’elles émanent d’un rival
éperdu d'admiration : «Il a une sanguine qui
semble lui appartenir en propre, une sanguine de
ton de pourpre, qui se distingue de la sanguine