144 ESSAIS DE PSYCHOLOGIE CONTEMPORAINE
pendu au mur d’une chapelle et qu’un fidèle s’en
approche dans une heure de recueillement Pour
peu que ce fidèle joigne à sa dévotion un pouvoir
de sentir la beauté, nul doute qu’il ne soit touché
du caractère esthétique de la noble et fervente pein
ture. Il goûtera, lui aussi, avec délices, le charme
qui se dégage de ces têtes penchées, de ces mains
jointes, de ce paysage lumineux et paisible comme
les profondeurs d’une conscience pure. Il com
prendra la science de composition du maître qui,
pour augmenter la puissance de mysticité de son
tableau, a réuni là des personnages de mondes si
divers qu’ils ne peuvent agir les uns sur les autres,
si bien que cette vision inefficace d’archanges im
mobiles et de saints en prière, d’enfants souriants
et de vieillards songeurs, se résume en une extase
peinte, d’une languis ante et morne douceur. Tout
alentour de cette peinture de rêve, les objets s’har
monisent presque surnaturellement. L’ombre fraîche
de l’église et son silence, le mystère de repentir
épars dans les rideaux du confessionnal où passè
rent les soupirs de la faiblesse humaine, l’auguste
nudité de l’autel où tant de fois descendit le Sau
veur, — cette inexprimable poésie du décor catho
lique est la même que celle dont l’âme s’enivre à
travers les formes évoquées par le peintre. Ainsi
transportée par sa foi intime et ces puissants
symboles, cette âme trouve en elle de quoi recréer
l’état du cœur où vécut l’artiste. Elle arrive à sentir
son œuvre par le dedans, comme elle a été produite.
Elle se l’assimile comme de l’air qu’on respire. Elle