ija ESSAIS DE PSYCHOLOGIE CONTEMPORAINS
truction l’hygiène défectueuse de l'écrivain mo
derne, chez lequel le grand exercice physique ne
combat plus la prédominance de l'élément cérébral.
Depuis Balzac, qui donna au monde des artistes
l’exemple presque monstrueux de sa Comédie
humaine, mise sur pied en vingt années, c’est à qui
parmi nos hommes de lettres fera des débauches
de volonté dans le travail. «Quand nous compo
sions,» avoue une lettre de M. Edmond de Gon-
court citée par M. Henry Céard au cours d’une pé
nétrante étude, «nous nous enfermions des trois et
quatre jours sans sortir, sans voir un vivant...» Ce
que les deux frères recherchaient ainsi, c’était «la
forte fièvre hallucinatoire». Remarquez le mot : il
indique bien la conception spéciale qui a cours au
jourd’hui sur les procédés du talent. Nous semblons
le plus l’admettre que douloureux, que mortel
lement trempé de nos larmes, comme certains liber
tins n’admettent l’amour qu’uni à la torture. A ce ré
gime, la machine animale se détraque bientôt La
santé réside dans le pouvoir d’équilibre qui nous
permet d’arrêter nos impressions avant qu’elles ne
s’amplifient, qu’elles ne s’exagèrent jusqu’à dépas
ser notre force. Cet équilibre, les frères de Gon-
court l’ont toujours haï. De ce point de vue-là, ils
peuvent être considérés comme le type des artistes
opposés à Goethe. Nous allons voir que du moins
leur maladie volontaire, dernier effort du raffine
ment esthétique, leur a permis de créer un roman
très nouveau et de renouveler aussi d’une façon
saisissante cette prose française dont ils ont joué