Full text: Essais de psychologie contemporaine (2)

M. LECONTE DE LiSLE 
83 
ture qui inquiétait déjà les romantiques. Par quels 
procédés en effet secouer le joug de la tradition, si 
pesant sur l’esprit de ceux qui arrivent tard dans 
une civilisation épuisée de littérature? André Ché 
nier répondait par son conseil célèbre : 
Sur des penser® nouveaux faisons des vers antiques. 
Il plaçait donc essentiellement le Moderne 
dans le choix des sujets. Stendhal, lui, donnait un 
conseil contraire, car, avec une inintelligence tout à 
fait indigne de son rare esprit, il proscrivait les 
anciennes formes et n’hésitait pas à condamner 
d’une façon absolue la langue des vers. De nos 
jours, les écrivains naturalistes qui se sont plus par 
ticulièrement attachés à ce problème du Moderne le 
résolvent par la théorie de la nouveauté dans le 
fond et dans la forme. « Copiez ce que vous voyez, 
comme vous le voyez,® disent les peintres qui veu 
lent amener leurs élèves à faire ce que l’on appelle 
dans les ateliers de la peinture sincère. Pourquoi le 
littérateur n’agirait-il pas de même? La vie ondoie 
autour de lui, opulente et changeante. S’il est à 
Paris, il a sous les yeux le décor des rues, des ma 
gasins, des salons, la cohue des intérêts rivaux, la 
mêlée des passions, une masse énorme d'hommes et 
de femme qui vont et qui viennent, tous marqués 
au sceau des mœurs de l’époque. Qu’il reproduise 
sur le papier, et par le moyen de mots adaptés, ces 
mœurs et ce décor, consciencieusement, exactement, 
n’aura-t-il pas exécuté le programme d’un art tout 
contemporain, par suite aussi vivant qu’original?
	        
Waiting...

Note to user

Dear user,

In response to current developments in the web technology used by the Goobi viewer, the software no longer supports your browser.

Please use one of the following browsers to display this page correctly.

Thank you.